Il y a environ deux ans, lorsque le prix du pétrole avait dépassé les 70 dollars le baril, les économistes paniquaient: l'économie mondiale ne pourra pas fonctionner avec un prix aussi élevé, disaient-ils. Cependant, l'économie s'est adaptée relativement vite à ce niveau de prix; en revanche, il sera beaucoup plus difficile, surtout pour les pays exportateurs, de se réhabituer à vivre dans le contexte d'un pétrole bon marché. En effet, les budgets de ces Etats ont été constitué en se basant sur un prix dépassant les 80 dollars le baril, et les leaders du secteur pétrolier ont dressé leurs projets d'investissement en espérant que leur production coûterait plus de 100 dollars le baril. Aujourd'hui, le prix de "l'or noir" a atteint son plancher depuis les quatre dernières années. De plus, l'économie mondiale ralentit, et par conséquent il n'y a pas de raisons pour que le prix de l'énergie augmente à nouveau. Les pays industrialisés sont entrés en phase de récession en raison de la crise financière qui les affaiblit et qui devrait se poursuivre en 2009, entraînant une forte contraction de la demande pétrolière. Le repli des cours du brut est donc le résultat de cette situation. Une situation que l'Opep s'évertue à rééquilibrer en ajustant sa production. Cependant, si la demande mondiale de pétrole a reculé en 2008, une première en 25 ans, elle devrait reprendre le chemin de la croissance dès 2009, prévoit l'Agence internationale de l'énergie. Et quand l'économie demandera du pétrole pour alimenter cette reprise, le pétrole, faute d'investissement, viendra à manquer. Les coûts marginaux de production et d'exploration dans les hydrocarbures n'ont cessé de s'apprécier. 70% des nouveaux gisements d'importance se trouvent dans des zones offshore à grande ou très grande profondeur. De plus, la disponibilité de main-d'œuvre qualifiée, d'équipements et de matières premières a fortement augmenté les coûts d'extraction. Dans le même temps, les gisements en activité s'épuisent rapidement. Pour pallier le manque de ressources traditionnelles, l'industrie pétrolière doit investir toujours plus dans de nouveaux projets, alors que les coûts des investissements ne cessent d'augmenter. C'est d'ailleurs cette équation qui explique l'objectif de prix du baril entre 70 et 80 dollars que s'est fixé l'Opep. Les pays membres ne cachent pas que leurs investissements dans les 4 à 5 années à venir risquent d'être retardés en raison notamment d'un manque de visibilité sur les prix. “Les pays de l'Opep prévoient des investissements de l'ordre de 360 milliards de dollars d'ici à 4 ans à 5 ans pour augmenter leur production. Certains de ces investissements vont être probablement retardés en raison d'un manque de financement et de visibilité sur les prix”, avait souligné le président de l'Opep, M. Chakib Khelil. “Ce ne sont pas seulement les pays Opep mais aussi les compagnies pétrolières qui opèrent dans les pays de l'Opep”, qui sont concernées, avait-t-il précisé. Au mois de novembre, cette situation a poussé, par exemple, le directeur général du géant pétrolier français Total, Christophe de Margerie, à presser l'Opep de réagir, estimant que l'Organisation “ne peut pas ne pas réagir” à la chute “beaucoup trop rapide” des prix du brut. “Les grands projets qui feront la confiance de demain ne passent pas avec un baril en dessous de 80-90 dollars” et “beaucoup de sociétés ne pourront plus investir” avait-t-il souligné. “A 50 dollars le baril, un grand nombre de pays producteurs ne vont plus avoir suffisamment de revenus pour couvrir leurs dépenses. On vit dans un environnement de coûts élevés pour la production et l'exploration, qui fait qu'il faut un certain prix pour un environnement (pétrolier) rentable, alors qu'à l'inverse la baisse des prix est aujourd'hui beaucoup trop rapide”. Yacine B.