Par son caractère universel et sa profondeur, la crise n'a rien à voir avec les chocs ponctuels ou régionaux qui affectèrent les marchés boursiers en 1987, 1997 ou 2001 ou bien l'Asie en 1997. En fait, C'est la structure de la mondialisation qui a explosé, fondée sur la coexistence de pays s'endettant pour consommer et importer, tels les Etats-Unis, le Royaume-Uni ou l'Espagne, et de nations épargnant pour investir et exporter, à l'image de la Chine, de l'Allemagne ou du Japon. Ce ne sont pas seulement les banques et les assurances mais des industries stratégiques telles que l'automobile, qui sont confrontées à la perspective de la faillite et doivent réinventer dans l'urgence leur modèle économique. Ce ne sont pas seulement les pays développés, mais aussi les pays émergents qui doivent repenser les conditions de leur développement, tandis que les nations les moins développées sont frappées de plein fouet, entraînant une augmentation des populations souffrant de la faim, un milliard de personnes, soit 17 % des humains selon la FAO). L'année 2008 marque donc la fin d'un cycle économique, avec le blocage de la norme du capitalisme dérégulé issu des réformes engagées à partir des années 80, amplifiées par l'ouverture des frontières, l'universalité du capitalisme provoquée par la chute du mur de Berlin, la révolution technologique et l'innovation financière. Et 2009 sera tout entière dominée par la diffusion du choc aux pays émergents et aux services, la généralisation de la récession dans les pays développés et la remontée du chômage vers les niveaux de la fin des années 70, les évolutions positives se limitant à la chute de l'inflation et des hydrocarbures d'une part, et la réévaluation du dollar d'autre part. D'où des risques élevés d'instabilité sociale, dont les émeutes en Grèce ou en Chine offrent la préfiguration, de recours aux dévaluations compétitives inaugurées dès 2008 par la Chine et le Royaume-Uni, mais aussi de tensions internationales alimentées par le contre-choc pétrolier et par l'exacerbation des sentiments nationalistes. L'éclatement de la bulle spéculative sur le crédit, précipite le dégonflement de la bulle politique du néoconservatisme américain, qui laisse les Etats-Unis en faillite sur le plan économique et financier, mais aussi sur le plan stratégique avec l'enlisement en Irak et en Afghanistan, et, sur le plan diplomatique, avec la dégradation de l'image de l'Amérique dans le monde. Les prochaines années seront placées sous le signe d'un douloureux retour à la réalité. Réalité d'une histoire violente, écartelée entre son caractère universaliste et l'hétérogénéité irréductible des systèmes de valeurs et des croyances, des traditions et des institutions. Réalité d'un monde ouvert et multipolaire dont la stabilité, si elle dépend toujours des hommes, ne dépend plus seulement de l'Occident.