Faut-il renforcer le contrôle de la dépense publique ou bien réfléchir en matière de maîtrise de la dépense publique ? La réforme du budget de l'Etat fait face actuellement à ce dilemme. Dans ce sens, M. Belkacem Aït Saâdi, conseiller du ministre des Finances, a estimé, hier, en marge du premier forum sur la gestion budgétaire en Algérie, organisé par le cabinet conseil Deloitte, que la réforme du budget de l'Etat induit une révision des processus de contrôle de la dépense publique. Celui-ci se limite actuellement à un contrôle de conformité aux textes et à la législation en vigueur, alors que la réforme conduira à l'institution d'un contrôle basé sur les résultats attendus de toute allocation de moyens. Cela passera par la transition des budgets de moyens à des budgets programmes et l'introduction de contrats de performance. Cela donnera, selon lui, plus de liberté aux gestionnaires publics, mais aussi plus de responsabilité. Néanmoins, la problématique du contrôle de la dépense publique pose bien cette question de la responsabilité mais surtout celle des risques de gestion. Car la prise de risque dans tout acte de gestion peut induire un gain ou une perte. Actuellement, la limite entre l'acte de gestion et le délit est mal comprise. Il est vrai que si cette nouvelle approche donne plus de liberté au gestionnaire public, elle alourdit de facto sa responsabilité, d'où l'importance de se pencher sérieusement sur l'interprétation des textes et la compréhension des enjeux et du sens profond de cette réforme par les administrations de contrôle. Dans ce sens, M. Aït Saâdi dira que cette réforme est un passage obligé, car on doit penser en termes de performance. La maîtrise des coûts et des dépenses est une nécessité. "On est obligé de compter chaque sou", dira-t-il. Aussi, les administrations de contrôle devront se mettre à niveau et assimiler par la formation les nouvelles méthodes de contrôle, de telle sorte qu'on ne se trouve plus piégés par les procédures de contrôle de conformité formelle. Il citera l'exemple de l'Inspection générale des finances (IGF) qui devrait se redéployer dans le domaine du contrôle de la performance et renforcer ses effectifs jugés insuffisants, par des recrutements de qualité. Il faut savoir que la réforme du budget de l'Etat prévoit le contrôle a priori dans l'élaboration des budgets et a posteriori dans l'évaluation des résultats et des performances. La réforme introduit de nouveaux concepts relatifs à la prévision de la dépense à moyen terme, la conception des stratégies sectorielles et des programmes pluriannuels, la transparence de l'information concernant la finalité de la dépense et le renforcement du contrôle parlementaire sur la dépense publique a priori et a posteriori. Elle prévoit également un allègement de la responsabilité du comptable public qui dispose actuellement de prérogatives excessives, induites par la nécessaire préservation des deniers publics. L'Objectif est donc d'introduire plus de souplesse dans la gestion publique. Mais le point nodale de la réforme reste la mise en place d'une loi organique des lois des finances, préalable à tout projet d'élaboration de budget programme, ou programme pluriannuel. Dans ce sens, le ministre des Finances, M. Karim Djoudi, a souligné dans une intervention à l'ouverture du forum que la réforme budgétaire engagée par les pouvoirs publics à travers, essentiellement, la loi organique relative aux lois de finances, constitue "un axe essentiel dans la réforme de l'Etat". Et d'ajouter qu'il s'agit, dans ce sens, "de refonder le mode de gestion budgétaire, de promouvoir la culture du résultat et d'asseoir une meilleure gouvernance budgétaire". A ce sujet, M. Aït Saâdi a indiqué que le projet en question a été finalisé et a été examiné en conseil de gouvernement. Il ne reste plus qu'à le soumettre au Conseil des ministres et au Parlement pour adoption. Il est utile de noter que le ministère des Finances est accompagné dans la mise en œuvre de la réforme budgétaire par le cabinet conseil canadien CRC Sogema. En tout état de cause, la mise en œuvre de la réforme budgétaire et de la nouvelle architecture du budget est attendue pour janvier 2012. Selon le directeur général du budget au ministère des Finances, M. Farid Baka, des équipes de projets stratégiques chargées d'implémenter la réforme budgétaire ont été mises en place. La création d'un comité national de la réforme budgétaire impliquant l'ensemble des ministères est également prévue. Pour M. Baka, cette mesure est un signe politique fort de l'engagement des pouvoirs publics à mener à terme la réforme. Il a également indiqué que le projet de réforme induira la mise à niveau des personnels et la formation de pas moins de 5 500 personnes. Le DG du budget fera, néanmoins, remarquer que le processus de réforme est un processus long et qui nécessite l'adhésion des personnels au projet. Attribution des marchés par appels d'offres : un obstacle à la performance ? Il est clair donc que l'enjeu est la performance des administrations publiques appelées à garantir un service public de qualité, que ce soit aux citoyens ou aux opérateurs économiques et ce, au moindre coût, d'autant plus que dans le contexte actuel de mondialisation, la compétitivité d'un pays est tributaire de la performance de son administration publique. Aussi, Gilles Pedini, associé Deloitte conseil France, a indiqué qu'il s'agit d'améliorer le processus d'achat au sein des organismes publics. Il citera, dans ce sens, la passation des marchés publics par procédures d'appels d'offres, qu'il estime coûteuse en termes de temps et de financement et qui n'est pas toujours performante. Il est utile de rappeler, enfin, que le forum sur la gestion budgétaire en Algérie, appelé à devenir une rencontre annuelle, a été marqué par l'organisation de 4 tables rondes consacrées à la loi organique relative aux lois de finances, au cadre de contrôle de la dépense publique et aux expériences des réformes budgétaires conduites dans d'autres pays, ainsi qu'au rôle et la place des systèmes d'information dans les grands projets de transformation financière et budgétaire. Samira G.