Il y a 14 années, trépassa un 12 février d'une leucémie aigüe, l'un des écrivains algériens d'expression française, Rachid Mimouni. Ecrivain de la seconde génération d'après indépendance au même titre que Boudjedra, Mimouni était avant tout un passionné de littérature qui a très tôt troqué sa carrière de scientifique -il était détenteur d'une licence en chimie obtenue en 1968 à l'ENS de Kouba et poursuivit des études de management à Montréal. De retour au pays, il enseigne l'économie à l'Inped, à l'Ecole supérieure de commerce et à l'Université d'Alger. Comme chaque année, les enfants de sa ville natale de Boudouaou lui rendent hommage, un hommage posthume dans la wilaya de Boumerdès, cette banlieue d'Alger foudroyée par un séisme dont elle se rétablit doucement. Au cours de ces rendez-vous, des universitaires, des littéraires, des chercheurs ainsi que de simples curieux se rencontrent à Boumerdès à la veille de cette date afin de revenir sur l'homme et sa carrière littéraire qui n'avait pris son envol qu'en 1982 avec, " Le Fleuve détourné.". Un roman qualifié d'ailleurs par le défunt écrivain de " roman de la prise de conscience " tandis que le journal Le Monde parlera même du " nouveau KAFKA ". Au delà du fait que toute l'œuvre mimouniènne fait état de l'évolution des êtres dans un monde de fous en parfaite déliquescence, elle interroge, également, sans cesse les rapports étroits entre, " la tradition et la modernité." Au printemps 2007, " Le Fleuve détourné " a connu une adaptation pour la scène à la faveur d'"Alger,capitale de la culture arabe." Nommée à la direction de la maison de la culture de Béjaïa, la metteur en scène Hamida Aït El Hadj y a retrouvé le dramaturge et metteur en scène Omar Fetmouche qui dirige le Théâtre de la ville et qui s'est attelé à adapter le plus célèbre roman de Mimouni. Le casting alors était des plus inédit : Hamida Ait El Hadj avait distribué pour la première fois deux noms, Mourad Khan du petit écran et Lotfi double Canon, du rap annabi. La générale a eu lieu le 6 février 2007 au Théâtre national d'Alger. Le spectacle a ensuite été visible à Boumerdès, lors du 12è anniversaire de la disparition de l'écrivain, ainsi qu'à Béjaïa. Lors du dernier rendez-vous de Boumerdès, l'universitaire Mohamed Lakhdar Mouagal, l'un des fidèles du colloque Mimouni avait traité de la thématique du " printemps " dans le roman algérien, spécialement chez Camus, Mouloud Mammeri et Mimouni. Tout en expliquant le lien qui lie l'écrivain à la nature, l'intervenant avait précisé que la thématique a été " discutée " par l'écrivain et l'anthropologue algérien Mammeri comme " une réponse polémique " à Camus, dans son premier roman La Colline oubliée. Cela sera repris par Mimouni en lui conférant le sens d'une " prise de conscience ", explique-t-il, en soulignant que chez nous : " Le printemps est un vrai problème. " Dénonçant la bureaucratie et les subterfuges, Mimouni s'était surtout interrogé comme l'ont fait avant lui les écrivains maghrébins, sur le lien " entre la tradition et la modernité" C'était d'ailleurs le fil conducteur de la plupart de ses ouvrages où les anciens sont révélés comme des " gardiens des temple et de l'honneur ", alors que les autres regardent vers d'autres cieux. Il s'agit de ces questionnements dans son notamment " L'honneur de la tribu ", un livre qui met en scène l'interaction entre une génération de patriarches, gardiens des traditions et des valeurs ancestrales, et les événements de l'histoire… Dans ce puzzle désordonné, Mimouni tente, savamment, de remettre en question le mythe séculaire de la tradition, garante et gardienne des valeurs authentiques ancestrales de bravoure et d'honneur de la société. Pour Mimouni, l'acte d'écrire s'apparente à une fonction hautement symbolique, " c'est un engagement moral " disait-t-il, affirmant que l'écrivain est, avant tout, "témoin et conscience de son époque, de sa société, tant il est vrai que l'intellectuel va se définir par sa production … Il va dénoncer les maux d'une société, fustiger les injustices sociales " en les poussant volontairement au noir ". Auteur prolifique, (il a signé une dizaine d'œuvres) et récompensé par de nombreux prix littéraires, Mimouni avait reçu, à titre posthume, le prix Albert Camus pour l'ensemble de son œuvre. Notons que les éditions Sédia ont réédité l'an dernier " L'honneur de la tribu. " Par Rebouh H.