Le président libanais Emile Lahoud a accusé mardi son Premier ministre d'avoir violé la Constitution en envoyant une lettre aux Nations unies pour approuver la création d'un tribunal international chargé de juger les meurtriers présumés de l'ancien chef du gouvernement Rafic Hariri. La création de ce tribunal est l'une des principales pommes de discorde entre le gouvernement antisyrien de Fouad Siniora et les factions prosyriennes. La semaine dernière, le Premier ministre a adressé une copie signée de l'accord entérinant la création du tribunal aux Nations unies. Le secrétaire général adjoint en charge des Affaires juridiques, Nicolas Michel, a signé à son tour l'accord mardi, avant de le renvoyer au Liban où il doit être ratifié par le Parlement. Le Conseil de sécurité avait approuvé le 21 novembre le projet de création de ce tribunal. Depuis lors, le projet a fait deux fois la navette entre New York et Beyrouth. Dans un premier temps, a-t-on expliqué de sources onusiennes, le gouvernement libanais a fait connaître son approbation des modalités juridiques du tribunal. Sur la base de cet accord, les experts onusiens ont rédigé une convention entre l'Organisation internationale et le pays du Cèdre, sorte d'accord politique de coopération pour la création de ce tribunal. Envoyée à Beyrouth, cette convention s'est trouvée bloquée par le refus du président pro-syrien, Emile Lahoud, de la signer. De source onusienne, on indique que la prochaine étape devra être la ratification de la convention par le parlement libanais. Emile Lahoud a envoyé un courrier au secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon en affirmant que la signature de l'accord par Siniora violait la Constitution libanaise. Il affirme que le contenu de la lettre de Siniora est "trompeur et esquive la réalité et les règles de la Constitution, des conventions et de l'union nationale", selon une copie du courrier transmise à l'Associated Press par ses services. "L'objectif est d'entraîner la confusion et les soupçons et de créer une atmosphère pour que le Conseil de sécurité reprenne le sujet et mette en place le tribunal", poursuit le président. Le Premier ministre a répliqué dans un communiqué diffusé plus tard mardi, accusant le président Lahoud de "nuire à l'image d'Etat indépendant du Liban" et de chercher à bloquer -sur ordre de puissances étrangères- l'établissement du tribunal. Lors de l'approbation le 21 novembre par le Conseil de sécurité du projet de création du tribunal, la Syrie s'était dite non concernée tant qu'elle n'était pas consultée. Des rapports d'étape de la commission d'enquête de l'ONU sur l'assassinat de Rafic Hariri ont fait état de l'implication de membres de services de renseignements libanais et syriens. L'approbation du projet dans la foulée par le gouvernement Siniora, premier pas pour un entérinement de la part du Liban, avait été le détonateur d'une crise qui a mené à la démission de six ministres pro-syriens, parmi lesquels tous les représentants de la communauté chiite. La crise politique au Liban, marquée notamment par un gigantesque sit-in de l'opposition dans le centre de Beyrouth, n'a pas cessé depuis lors. L'opposition demande un nouveau cabinet et des législatives anticipées. Elle accuse le gouvernement Siniora d'accaparer le pouvoir et de faire le jeu de l'Occident.