Le bras de fer parait bien engagé au Liban, où le premier ministre Fouad Siniora affiche sa détermination, sans laisser indifférents ceux qui sont accusés d'avoir pris l'initiative de la crise politique actuelle. Le Hezbollah, qui a retiré ses deux ministres du gouvernement suivis par quatre autres, trois du mouvement Amal, et un indépendant, est parti en campagne assurant que les jours du gouvernement Siniora sont comptés. Celui-ci reste embourbé dans la crise politique au lendemain de son aval au projet de l'ONU d'un tribunal spécial international sur l'assassinat de l'ex-Premier ministre Rafic Hariri. Sans perdre de temps et quelques heures après son adoption, le gouvernement de Fouad Siniora, dominé par la majorité antisyrienne soutenue par l'Occident, a transmis lundi soir à l'ONU son aval au projet de création du tribunal chargé de juger les meurtriers de Hariri, selon une source officielle. « Le Liban s'attend à ce que le texte soit adopté par le Conseil de sécurité au cours des prochains jours », a-t-elle ajouté mardi. Le gouvernement a adopté le projet élaboré conjointement par les experts de l'ONU et des magistrats libanais, malgré la démission de six ministres depuis samedi. La campagne de l'opposition s'est d'ailleurs accentuée, le chef du puissant Hezbollah, Hassan Nasrallah et son allié chrétien, Michel Aoun, qualifiant tous deux le gouvernement d'« illégitime ». Ils ont tous deux estimé que « tous les moyens permis par la loi » seront utilisés pour faire tomber le gouvernement, y compris des manifestations de rue. « Ce gouvernement ne peut pas durer. Le Liban aura bientôt un gouvernement composé de gens honnêtes et capables de reconstruire ce que l'agression israélienne contre le Liban, durant la guerre de juillet-août a détruit », a dit cheikh Nasrallah. « Ce gouvernement doit être considéré comme démissionnaire et il n'y aura pas de dialogue (avec la majorité parlementaire) sauf s'ils sont disposés à nous rendre justice », a déclaré pour sa part le général Aoun. Le Hezbollah a menacé de déclencher des manifestations de rue à l'appui de ses exigences politiques, ce qui a incité des dirigeants de la majorité à prévoir des contre-manifestations. Toutes choses qui font craindre de nouvelles violences. Mais Nasrallah s'est montré soucieux d'apaiser ces craintes : « Il y a des gens qui cherchent à exagérer (les risques de violence). C'est notre pays, nous lui avons donné des dizaines de milliers de martyrs et de blessés (...) Nous ne gâcherons pas tout cela, nous préserverons la paix civile et la stabilité. » Les ministres Hezbollah-Amal ont démissionné pour protester contre le refus de la majorité d'élargir leur assise au sein du cabinet de coalition avec l'entrée notamment des proches du général Aoun et d'accroître leur influence par le biais d'une « minorité de blocage ». Le président libanais Emile Lahoud a déjà qualifié d'« anti-constitutionnelle » la réunion ministérielle de lundi car elle engage, selon lui, le pays sur un sujet fondamental sans l'approbation d'une des principales communautés, les chiites. M. Lahoud, qui a émis de fortes réserves sur le texte de l'ONU, avait refusé de présider le Conseil des ministres consacré à son examen. Une commission d'enquête de l'ONU avait mis en cause, dans des rapports d'étape, des responsables syriens et leurs alliés libanais dans l'assassinat de Rafic Hariri, mort dans un spectaculaire attentat à Beyrouth le 14 février 2005. La Syrie a nié toute implication et promis de coopérer à l'enquête. L'adoption du texte par le gouvernement Siniora a enclenché un processus de ratification semé d'embûches, car il peut être entravé par les parties libanaises. Le texte, qui a la valeur de traité, doit encore être approuvé par le Parlement et ratifié par le chef de l'Etat en accord avec le Premier ministre. Aux termes de la constitution, il appartient au chef de l'Etat de ratifier les traités en accord avec le président du Conseil. En cas de refus du président, le texte est cependant « automatiquement promulgué au bout de deux mois », a indiqué le magistrat et ministre de la Justice Khaled Kabbani. Toutes ces assurances ne suffisent pas. Les Libanais, d'abord exaspérés par cette crise politique, craignent un retour aux années de feu.