"Il faut qu'on invente un système qui permette aux agriculteurs des pays développés d'avoir des revenus comparables aux travailleurs du secteur secondaire et tertiaire", souligne Jacques Diouf, directeur général de la FAO. Ce dernier déplore le recul de l'agriculture dans l'aide aux pays pauvres. Le constat est amer voire dramatique. Avec la crise, le nombre de personnes qui ont faim dans le monde ne cesse de croître. "Nous allons bientôt dépasser le milliard d'êtres humains sous alimentés : ces chiffres sont extrêmement préoccupants", lance Jacques Diouf, directeur général de la FAO, l'agence des Nations unies spécialisée dans les questions d'alimentation et d'agriculture. Non seulement les objectifs que la FAO s'étaient fixés lors de son dernier sommet ne seront pas atteints - réduire de moitié la faim dans le monde d'ici à 2015 - pire, elle n'a pas réussi à inverser la tendance. "Le grand problème, c'est la baisse de la part de l'agriculture dans l'aide au développement qui est passée de 17 % en 1980 à 3 % en 2006", dénonce le responsable sénégalais. À l'horizon 2050, il faudra multiplier par deux la production alimentaire pour nourrir la population mondiale qui passera de 6 à 9 milliards de personnes. La question est donc de savoir comment continuer à soutenir les agriculteurs de l'OCDE sans porter préjudice à ceux des pays émergents. Car le monde a plus que jamais besoin des deux agricultures. "Il faut qu'on invente un système qui permette aux agriculteurs des pays développés d'avoir des revenus comparables aux travailleurs du secteur secondaire et tertiaire,” souligne Jacques Diouf. “Il faut le même système pour les pays émergents avec des instruments économiques qui ne créent pas de distorsions entre les deux. J'ai nommé un groupe d'experts pour trouver des solutions novatrices qui pourraient être présentées d'ici à la fin de l'année lors d'un sommet mondial de l'alimentation." dira Jacques Diouf. Par ailleurs la crise économique mondiale risque d'accroître la pauvreté à travers le monde. Un bouleversement de l'équilibre mondial avec pour signe majeur l'appauvrissement, voire la disparition des économies agricoles dans les pays à plus forte croissance démographique. L'Europe et les Etats-Unis, connaîtraient également des pertes d'emplois massives dans l'agriculture et l'agroalimentaire. La sécurité alimentaire de l'Europe serait alors remise en cause. Ils considèrent ainsi que sans mise en oeuvre d'une régulation mondiale pour éviter les effets déstabilisateurs voire dévastateurs de la volatilité des prix, un accord à l'OMC dans le domaine agricole serait à l'origine d'une crise alimentaire autrement plus dangereuse que la crise financière actuelle. Dès lors, les gouvernements seraient obligés de recourir à des mesures protectionnistes pour assurer leur mission première : la sécurité alimentaire de leurs peuples. L'objectif de la FAO à l'égard des pays en développement , trouver des moyens pour financer les engrais, le matériel agricole, les semences et les aliments de bétail dont ont tant besoin les pays en développement. Cela passe par des partenariats entre pays du Nord et du Sud, à travers des sociétés d'économie mixte. "Dans le monde il y a, d'un côté, des gens qui ont des terres et de la main-d'œuvre mais pas suffisamment de technologies et de ressources financières. Et de l'autre côté des pays qui ont du capital à placer sur des marchés solvables", rappelle Jacques Diouf. La FAO évalue à 30 milliards de dollars des besoins de financement pour appuyer le programme dans les pays pauvres, en mettant en garde contre les dérives actuelles. Dalila B.