Le magnifique Musée national d'art moderne et contemporain d'Alger (MAMA) abrite depuis mercredi dernier une exposition exceptionnel le sur le Sachplakat de Lucien Bernhard : un designer allemand que le Goethe institut Algérie propose de faire connaître. L'expo qui concerne la publicité et design au début du XXe siècle est itinérante et s'étalera dans cet espace jusqu'au 30 mai prochain.Un petit détail, " Sachplakat ", veut dire littéralement l'affiche-objet. Avec Ludwig Hohlwein, Lucien Bernhard est un illustre designer allemand qui excelle dans le " Sachplakat ". Ce qui de nos jours est considérée comme un passé révolu, fut autrefois dans son temps une apothéose. C'était le cas pour l'art du design et de la publicité au début du siècle écoulé. 1901, avec la venue de Lucien Bernhard on annonçait déjà l'avènement d'un style d'affichage inédit. Avec lui, une tendance est venue se positionner face à l'emprise de la métaphore et l'ornementation. Le logo, tout comme le produit devinrent fondamental. " La conception visuelle et aux la parfaite composition des motifs, ajoutant à cela le bon choix de la couleur et la maîtrise technique, elles seules, suffisaient pour obtenir la bonne qualité " notent les organisateurs. Lucien Bernhard fait ses études à Munich, mais a exercé son activité à Berlin. Ses premières réalisations datent de 1906, notamment pour les allumettes Priester. En 1916, Bernhard est chargé de l'organisation de la campagne d'affichage visant à enrayer l'inflation. Ses créations pour les firmes de cigarettes Manoli, le café Hag, les machines à écrire Adler, le matériel électrique Osram ou Bosch, les chaussures Stiller sont très renommées : Bernhard a recours à un motif qu'il isole et dont il simplifie la silhouette et élimine les détails. Les couleurs sont vives et posées en aplat. La mise en page joue du rapport entre le texte, qui n'indique que le nom de la marque et l'image de l'objet lui-même. Avec l'avènement de la publicité, les produits étaient surtout promus par des posters ou des affiches, qui ont, d'ailleurs, été utilisés dans la vie publique pour des raisons commerciales et politiques depuis les époques reculées. La signification du poster, en tant qu'outil publicitaire dans la compétition économique, a augmenté au cours des années : en France, durant le XIXe, les designers d'affiches et de posters, comme Jules Chéret et Henri de Toulouse- Lautrec, ont joué un rôle de pionniers dans la création de nouveaux types de design. Pour l'intérêt du succès de la publicité, ils ont réduit les mots et les illustrations au minimum, tout en simplifiant le texte et le motif en faveur d'une forme plus impressionnante et un message facile à retenir, s'efforçant à créer une visibilité et une compréhension immédiate, même de loin. Le nouvel art du poster a eu, en premier lieu, du succès en Allemagne en 1890, où Berlin et Munich étaient devenus des centres pour leur design. Les expositions de posters organisées régulièrement, et l'établissement précoce des collections publiques à Berlin, Dresden, Hambourg et Stuttgart, montrent le degré d'importance du nouveau moyen de publicité au début du siècle. Ces activités, en plus de la formation de la " Société des amis du poster " à Berlin en 1905, ont constitué une contribution essentielle dans la professionnalisation du domaine de publicité. Au-delà de tous les designers susmentionnés, un designer a résolument influencé l'histoire précoce du design en Allemagne : Lucien Bernhard. Il a modelé le Plakatstil, le style du poster objectif qui a été développé au début du XXe siècle. Bernhard fut le premier à être désigné comme professeur en publicité. Ses créations ont toujours un effet, même si le nom du designer n'est plus connecté aux designs. Puis, sous les yeux du public, l'artiste est tombé en désuétude, victime de la nature éphémère de sa matière. La célébrité de Bernhard s'est estompée avec les posters sur les piliers et les annonces dans les journaux. Lucien Bernhard n'a jamais été énormément présenté au public, que cela soit en Allemagne ou en Amérique, où il y a vécu après 1923. Des années de recherches ont été nécessaires, c'est ce que le conservateur, Hubert Riedel, a parachevé avec un dévouement affectueux, en préparant ce projet d'exposition. Il y donne une idée détaillée sur la vie et les travaux de l'artiste, et ce, pour la première fois. Un rendez- vous inédit donc ! Rachida Couri