“Ce qui de nos jours est considéré comme un passé révolu fut autrefois, dans son temps, une apothéose.” Cette phrase résume à elle seule l'exposition intitulée “Lucien Bernhard, design et publicité au début du XXe siècle”. Organisée par le Goethe Institut Algérie et abritée par le Musée national d'art moderne et contemporain (Mama), cette exposition (conçue par l'Institut für Auslandsbeziehungen – Institut des relations culturelles étrangères), dont le vernissage a eu lieu mercredi dernier (elle durera jusqu'au 30 mai 2009) retrace la [ré] évolution dans l'affichage et le design publicitaire au début du siècle dernier. Avec les affiches ou autres posters accrochés, le visiteur peut constater le grand travail de cet artiste. Car Lucian Bernhard est considéré comme l'un des graphistes allemands les plus importants, voire les plus influents de son époque. Certes, même si ces œuvres ne sont plus liées à Lucian Bernhard, il n'en demeure pas moins qu'il reste “l'un des pionniers de l'art graphique dont s'inspire aujourd'hui des milliers d'artistes dans le monde”, dit Alix Landgrebe, directrice du Goethe Institut Algérie, dans son allocution d'ouverture. Par ailleurs, dans cette exposition, c'est “l'importance des affiches en tant que support ou moyen permanent de promotion dans la compétition économique” qui est mise en avant. D'ailleurs, cette “importance” — et on le constate à travers les affiches exposées — s'est étendue sur plusieurs années, permettant ainsi le développement de techniques particulières. Et c'était le cas pour l'art du design et de la publicité au début du siècle écoulé. En 1901, avec la venue de Lucien Bernhard, on annonçait déjà l'avènement d'un style d'affichage inédit. Avec lui, une tendance est venue se positionner face à l'emprise de la métaphore et l'ornementation. Le logo, tout comme le produit devinrent fondamentaux. La conception visuelle et la parfaite composition des motifs, ajoutant à cela le bon choix de la couleur et la maîtrise technique, eux seuls suffisaient pour obtenir la bonne qualité. Et c'est grâce à ces techniques particulières que Lucian Bernhard a développé ce que les spécialistes et les gens du métier appellent le Plakatsil, c'est-à-dire le modèle d'affiche, et le Sachplakat qui signifie l'affiche objet. Il développa aussi l'esthétique dont la plupart de ses affiches portent encore l'empreinte. Mettant son talent au service des firmes — d'ailleurs certaines d'entre elles existent encore — ce qui était au départ conçu comme un pur produit commercial est devenu par la suite un véritable chef-d'œuvre ! Dans son travail, Bernhard a recours à un motif qu'il isole et dont il simplifie la silhouette et élimine les détails. Les couleurs sont vives et posées en aplat. La mise en page joue du rapport entre le texte, qui n'indique que le nom de la marque, et l'image de l'objet lui-même. Véritable régal pour les yeux, ses affiches ont résisté au temps tout en gardant leur éclat. Toutefois, malgré son immense talent et son esprit novateur, Lucian Bernhard reste méconnu du grand public. Beaucoup, à travers le monde, connaissent ses affiches, mais ne savent pas qu'elles sont de lui. Beaucoup de publicistes s'inspirent de son travail. Ce sont l'universalité de ses œuvres, son originalité et la recherche de la perfection qui, entre autres raisons, font que son travail reste d'actualité. À rappeler que cette exposition, après Alger, prendra place au Liban. Amine IDJER