Alors que de nombreuses entreprises non-américaines ont renoncé à leur cotation aux Etats-Unis, la place de New York connaît un regain d'intérêt en offrant la possibilité de contourner la crise du crédit pour des opérations de fusions transatlantiques par échange d'actions. "C'est une idée sur laquelle je travaille et qui intéresse les banquiers qui cherchent de nouvelles idées à proposer à leurs clients", indique un avocat d'affaires qui a orchestré de nombreuses fusions transfrontalières. "Le cadre réglementaire fait encore peur mais ça peut changer", fait encore valoir cet avocat qui a souhaité conserver l'anonymat. Les volumes de transactions en fusions-acquisitions sont en chute libre en France par rapport aux trois dernières années et les grandes banques conseils ont vu leurs revenus baisser significativement selon les estimations effectuées par Thomson Reuters au premier trimestre. "Autant il y a eu un mouvement de fond en France et en Europe pour sortir de la cote américaine, autant se faire coter là-bas fait sens maintenant pour des entreprises qui souhaitent faire une opération stratégique", indique l'avocat Thierry Schoen du cabinet Clifford Chance. "Il faut quand même un intérêt stratégique fort et une intégration pas trop compliquée", tempère cependant l'avocat dont l'un des clients s'était fait coter sur le marché américain à la suite d'une acquisition. Pour de nombreux spécialiste des fusions-acquisitions, il n'est pas possible pour le moment de parler de tendance. "Je ne note pas pour ma part une accélération de ce type de réflexion mais on y pense chaque fois qu'un de nos clients s'intéresse à une cible américaine", note Stéphane Courbon, managing director chez Bank of America Merrill Lynch. S'il est techniquement possible de faire coter une entreprise française en quelques mois aux Etats-Unis, les contraintes de la législation américaine restent dissuasives pour de nombreux émetteurs, juge-t-il. La loi Sarbanes-Oxley, votée aux Etats-Unis à la suite du scandale financier Enron, a largement contribué à faire fuir des poids lourds du CAC 40 de la place de New York en raison des contraintes réglementaires et des changements de gouvernance qu'elle a imposés. "Il y a un risque juridique accru et une responsabilité pénale pour les directeurs généraux et financiers qui doivent eux-mêmes certifier les comptes", indique Diana Billik, une avocate spécialisée dans les marchés financiers américains au cabinet Allen & Overy. "Il y a une culture du contentieux beaucoup plus développée aux Etats-Unis qu'en France", juge l'avocate américaine. Les changements réglementaires promis par l'administration américaine à la suite de la crise financière créent aussi une certaine incertitude juridique sur les règles qui seront mises en place dans les années à venir, particulièrement pour les banques, avance-t-elle. Ce facteur là doit être attentivement pesé avant de tenter l'aventure aux Etats-Unis, prévient-elle. Les entreprises qui bénéficient d'une bonne signature ou d'un soutien implicite de l'Etat n'ont pas forcément besoin de faire des échanges d'actions et trouvent toujours des financements si la transaction prévue convainc les gestionnaires du risque des grandes banques. EDF n'a par exemple eu aucun mal à financer l'acquisition d'une participation majoritaire dans l'américain Constellation Energy et à concrétiser ainsi ses ambitions sur le marché de l'électricité nucléaire américain sans passer par une cotation à New York. Air France-KLM , Alstom, Sodexo ou Danone ont quitté New York ces dernières années et outre les contraintes réglementaires, les spécialistes s'accordent à dire que l'accès direct aux investisseurs américains et à leurs fonds de pension géants n'a pas eu les résultats escomptés.