L'optimisme relatif sur une prochaine reprise de l'économie mondiale des dirigeants politiques, réunis durant deux jours à Washington au siège du FMI, n'effaçait pas leurs divergences sur plusieurs questions clés. Après avoir estimé la veille que "l'activité économique devrait commencer à reprendre plus tard dans l'année" même si de "forts risques" persistent, les grands argentiers du G7 (Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Italie, Japon) ont affronté, samedi, les revendications des pays émergents qui les tiennent pour responsables de la crise. "Cette crise trouve ses racines au cœur du système capitaliste moderne. Elle a été provoquée sur une innovation financière sans retenue par la création d'une richesse artificielle par des entités financières spéculatrices et non régulées", a affirmé le ministre argentin de l'Economie, Carlos Fermandes, lors d'une intervention devant le Comité monétaire et financier international (CMFI), l'instance politique du FMI. Le Fonds prévoit cette année un recul du produit brut mondial de 1,3 % le premier depuis la Seconde Guerre mondiale, suivi d'une légère reprise en 2010 (+ 1,9 %). Les assemblées du printemps du FMI et de la Banque mondiale, après une semaine de préparation, les 185 ministres des Finances membres des deux institutions se sont officiellement donnés comme objectif de donner le feu vert aux mesures annoncées par le G20 lors de sa récente session de Londres. Le directeur général du FMI, Dominique Strauss-Kahn, a assuré que les Etats sont tombés d'accord sur presque tous les sujets, notamment sur les mesures de relance à prendre et sur la nécessité d'assainir les banques. Le comité politique du FMI a également validé la principale annonce de cette semaine, à savoir : le doublement des capacités d'emprunt pour les pays en développement. Mais derrière cette belle harmonie, les débats ont parfois été tendus avec les pays émergents qui n'ont pas hésité à accuser les Etats les plus riches d'être à l'origine de la crise. Autre point de divergence : la réforme de la répartition des voix. Les grands émergents comme la Chine, le Brésil ou l'Argentine ont été bien clairs : "Hors de question de donner plus d'argent pour sortir le monde de la crise sans être mieux représentés au sein du FMI et de la Banque mondiale". Au moment où le communiqué final évoque donc la volonté d'accélérer cette réforme, l'économie mondiale traverse une grave récession causée par une crise financière massive et une perte de confiance aiguë. Le rythme de contraction devrait se modérer à partir du second trimestre, mais, selon les experts, les projections laissent entrevoir un recul de 1,3 % sur l'ensemble de l'année 2009, puis une reprise seulement partielle en 2010, avec une croissance de l'activité de 1,9 %. "Pour que ce retournement se produise, il importera d'intensifier les efforts d'assainissement du secteur financier, tout en continuant à soutenir la demande par la détente monétaire et budgétaire". Le rapport sur les perspectives de l'économie mondiale, mettant en ligne l'évolution économique et financière récente, dicte que la crise financière et l'effondrement de l'activité ont gravement éprouvé l'économie dans le monde entier. "Les pays avancés ont accusé un recul sans précédent de 7 ½ % du PIB réel au quatrième trimestre de 2008 et on estime que la production a continué à chuter presque aussi vite au cours des trois premiers mois de 2009. Alors que l'économie américaine a sans doute souffert le plus des difficultés financières et de la baisse continue du secteur du logement, l'Europe occidentale et les pays avancés d'Asie ont été rudement éprouvés par l'effondrement du commerce international, ainsi que par leurs propres débuts de problèmes financiers et par les corrections des prix immobiliers sur certains marchés nationaux. Les pays émergents sont aussi très touchés, subissant globalement une contraction de l'activité économique de 4 % au quatrième trimestre". Le mal se propage donc à la fois par les circuits financiers et commerciaux, en particulier aux pays d'Asie de l'Est, très tributaires de leurs exportations de produits manufacturiers, et aux pays émergents de l'Europe et de la communauté des Etats indépendants (CEI), qui avaient besoin d'abondants apports de capitaux pour alimenter leur croissance. "Tout le monde est content de ce qui a été fait pour les plans de relance, tous sont d'accord avec la nécessité absolue de nettoyer le système financier, a affirmé le DG du FMI. Une satisfaction du reste reprise par le communiqué du CFMI ; "nous nous sommes mis d'accord pour accroître les ressources disponibles pour le FMI par le biais d'un financement immédiat de ses membres ce montant jusqu'à 250 milliards de dollars, en conséquence incorporée dans des nouveaux accords d'emprunts (NAE) étendus et plus flexibles, accrus d'un montant jusqu'à 500 milliards de dollars, et d'examiner l'appel au marché pour emprunter si nécessaire". Pour sa part, le président de la Banque mondiale, Robert Zoellick, évoquant la crise économique et ses effets sur les populations les plus vulnérables des pays émergents, a déclaré qu'un monde qui n'apprend pas de l'histoire est condamné à la répéter. "Alors que la dernière réunion du G20 était essentiellement consacrée aux questions financières, nous devrons tirer les enseignements de l'histoire des crises passées, au cours desquelles les gouvernements, à court d'argent, ont réduit les programmes sociaux, ce qui a eu des conséquences catastrophiques pour les pauvres". Dans la crise présente, "on s'est surtout intéressé aux pays développés dont les habitants risquent de perdre leurs maisons, leurs actifs et leurs emplois. Ce sont des difficultés incontestables", a estimé Robert Zoellick. Pour lui, les personnes qui vivent dans les pays en développement ont bien moins de moyens de protection ; "elles n'ont pas d'épargne, pas d'assurance, pas d'allocations de chômage et souvent pas de nourriture. Nous ne devons pas laisser qu'une telle situation se reproduise". Ahmed Saber