A huit jours des élections européennes, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy s'engagent dans un texte commun à promouvoir une "Europe forte qui protège", pour tenter de mobiliser abstentionnistes et eurosceptiques. Ce texte, qui sera publié dimanche par Die Welt am Sonntag en Allemagne et le Journal du Dimanche en France, est la deuxième intervention conjointe de la chancelière allemande et du chef de l'Etat français dans la campagne, après un meeting à Berlin le 10 mai. Si les sondages donnent une confortable avance à la CDU d'Angela Merkel et à l'UMP de Nicolas Sarkozy, ils prédisent aussi une abstention record dans les deux pays (plus de 50% en France), comme ailleurs dans l'Union. "Pour réussir, nous avons besoin de la mobilisation de tous, à commencer par les citoyens eux-mêmes. C'est pour cela que le rendez-vous du 7 juin est si important", font valoir les deux dirigeants, qui appellent "tous les Européens à voter". C'est, selon eux, le meilleur moyen de soutenir la construction d'une Union européenne plus forte, protectrice, à l'écoute de ses citoyens, innovante et influente sur la scène mondiale, à l'opposée de l'"Europe bureaucratique qui applique mécaniquement des règles tatillonnes" qu'ils récusent. A trois semaines du Conseil européen des 18 et 19 juin sous présidence tchèque, ils exhortent l'UE à prendre, dès le mois prochain, des décisions pour assurer une véritable régulation du secteur financier en Europe. Ils prônent une "économie de marché responsable qui privilégie l'entrepreneur et le salarié sur le spéculateur, l'investissement de long terme sur le profit immédiat" et souhaitent que le prochain Conseil européen décide des mesures pour remédier à la pénurie du crédit aux entreprises. A six mois du sommet de Copenhague sur l'après-protocole de Kyoto, portant sur la lutte contre le réchauffement climatique, ils promettent de veiller à ce que les engagements européens en la matière ne pénalisent pas l'industrie européenne. "Si nos partenaires internationaux refusent de s'associer à nos efforts, nous sommes déterminés à prendre des mesures pour protéger l'industrie européenne", écrivent-ils. De même, ils demandent la mise en place d'un "dispositif efficace" de surveillance des aides publiques au niveau de l'Organisation mondiale du commerce, pour empêcher des pays non européens de créer une situation de concurrence déloyale en accordant des "subventions excessives" à leurs entreprises. Tant que ce dispositif international ne sera pas en place, l'UE doit envisager des solutions européennes provisoires, ajoutent la chancelière allemande et le président français. Angela Merkel et Nicolas Sarkozy invitent les dirigeants politiques de l'UE à achever le processus de ratification du traité institutionnel de Lisbonne "le plus tôt possible" et à conclure au sommet des 18 et 19 juin un accord sur les garanties à accorder à l'Irlande. Ils réaffirment en revanche implicitement leur refus de voir la Turquie entrer dans l'Union. "Pour pouvoir agir, l'UE a besoin de frontières. Un élargissement illimité n'est pas possible", écrivent-ils. Le sujet reste hautement sensible, y compris au sein de l'Union européenne, comme l'a démontré la décision, cette semaine, de Nicolas Sarkozy de reporter au 3 juillet la visite qu'il devait effectuer mardi en Suède. Selon son entourage, cette décision a été motivée par des déclarations du ministre suédois des Affaires étrangères Carl Bildt publiées lundi par le Figaro et prenant le contre-pied de la position du président français. Le chef de la diplomatie suédoise, dont le pays prendra la présidence de l'UE le 1er juillet, estimait dans cette interview qu'il fallait "éviter d'arrêter l'élargissement" de l'UE et que cela concernait aussi la Turquie. "L'interview de M. Bildt était inopportune", estime un proche de Nicolas Sarkozy. "S'exprimer dans la presse française pour expliquer qu'il était important de faire entrer la Turquie dans l'UE était un acte assez désobligeant envers la France."