Les émeutes de la faim auront marqué les esprits. Néanmoins, la prise de conscience par rapport à la nécessité de promouvoir les investissements agricoles aurait dû être antérieure à ces émeutes. En octobre 2007, alors que les cours mondiaux des céréales commençaient à flamber, la Banque mondiale publiait un rapport intitulé "L'agriculture au service du développement", prônant les investissements destinés à développer l'agriculture des pays pauvres. Depuis, gouvernements et organisations comme la FAO ou le Fida (Fonds international pour le développement agricole) ont largement relayé cette idée. Ainsi, la Banque mondiale a décidé de porter de 4 à 12 milliards de dollars le montant du niveau global de prêts accordés dans le domaine agricole d'ici 2010. En mai 2008, la banque inter-américaine de développement a annoncé une ligne de crédit de 500 millions de dollars afin de financer des projets augmentant la productivité et les investissements ruraux. L'an passé, la Banque asiatique de développement promettait le doublement à plus de 2 milliards de dollars de ses soutiens à l'agriculture. En avril 2008, le Fida indiquait la réorientation de 200 millions de dollars vers le soutien à la production alimentaire dans les pays pauvres, notamment par le biais du financement des intrants.En juillet, Bruxelles a décidé de débloquer 105 millions de dollars pour des projets visant à "aider les pays pauvres à accroître leur production agricole". Le programme se veut concret : projets de distribution de semence ou de réhabilitation de l'infrastructure agricole au Burundi, travail sur la distribution d'intrants agricoles et la formation des agriculteurs au Népal ou encore, projets liés à l'augmentation de la production de riz et au développement de l'aviculture et de l'horticulture au Sri Lanka.Aussi, es membres du G8, réunis à partir du mercredi 8 juillet dans la ville italienne d'Aquila, devraient insister, un an après les "émeutes de la faim", sur la nécessité d'augmenter l'investissement agricole dans les pays pauvres, et de les voir développer leurs propres stratégies en matière de sécurité alimentaire. La tendance à la baisse de l'aide publique au développement et du financement national de l'agriculture doit être inversée, avaient-ils estimé. Selon le Directeur général de la FAO, Jacques Diouf, pour en finir avec le sous-investissement en agriculture, il est nécessaire de faire remonter la part de l'investissement agricole dans l'aide publique au développement de 5 % à 17 %, le niveau d'avant 1980. De quoi permettre, comme alors, de créer des réseaux d'irrigation ou d'acheter des semences améliorées. Plus d'un milliard d'êtres humains sont sous-alimentés. Or 70 % des pauvres sont des ruraux, vivant souvent de l'agriculture, et selon des données publiées mardi 7 juillet par l'ONU, 2009 devrait voir sombrer dans la pauvreté entre 50 et 90 millions de personnes de plus qu'avant la crise.Reste que le contrôle des engagements demeure une gageure. Pour Jean-Denis Crola, responsable de plaidoyer "justice économique" chez Oxfam, "un devoir de transparence de la part des gouvernements" est nécessaire. Et "il faut mettre en place des moyens d'évaluation de cette aide qui soient placés sous l'égide des Nations Unies". Pour Florence Egal, économiste spécialisée des questions de nutrition à la FAO, "nous avons besoin de financement pour apprendre à travailler ensemble". Fini le temps des chantiers individuels, où chaque bailleur de fonds mène son projet dans une optique individuelle. Dans son domaine, la spécialiste estime faire de "l'assistance technique aux gouvernements". Cette approche qui exige de mettre en réseau fonds et projets pour aller dans une même direction correspond de plus en plus à ce que souhaitent les gouvernements des pays en développement. Car la crise alimentaire de 2008 et les dangers qu'elle a révélés ont également contribué à modifier le positionnement de ces pays. Synthèse Dalila T.