Pour limiter les futurs déséquilibres mondiaux, les Chinois vont devoir accepter de devenir consommateurs et laisser leur devise s'apprécier. L'encours des prêts accordés par les banques aux particuliers progresse, en rythme annualisé, de 34 % en Chine. Depuis le début de l'année, les banques chinoises auraient prêté près de 7 500 milliards de yuans (environ 1 100 milliards de dollars). "Le mou vement est tellement spectaculaire que l'on peut dire aujourd'hui que la relance monétaire, c'est-à-dire celle constituée par les prêts au secteur privé, est tout aussi massive, sinon plus que la relance budgétaire", résume Antoine Brunet, économiste chez AB Conseil. Conséquence de cet afflux de capitaux, la Bourse locale s'envole tout comme les prix des biens immobiliers. Cette situation inquiète désormais les autorités du pays. Selon la presse officielle, le régulateur bancaire chinois (CBRC) envisage de durcir les conditions d'octroi de crédits. Ceci pourrait aboutir, selon les calculs des économistes de Barclays Capital, à diviser par trois le taux de progression du crédit, aux alentours de 12 à 13 %. Un niveau qui restera tout de même élevé et qui témoigne du changement en train de s'opérer en Chine. "Au cours des dix dernières années, les exportations chinoises ont été multipliées par dix, et elles représentent près de 20 % du PIB national", explique Robert Ryan, économiste chez BNP Paribas. "La réponse à la crise qui s'est traduite par une chute du commerce extérieur a consisté à relancer le marché domestique, en particulier la consommation." Un changement qui devra rester pérenne, insiste Olivier Blanchard. Dans une étude publiée en début de semaine, le chef économiste du Fonds monétaire international estime en effet indispensable, pour l'avenir de la croissance mondiale, que la Chine rééquilibre sa balance commerciale en important davantage, ce qui permettra aux Etats-Unis d'exporter et de rééquilibrer leurs propres déficits. Mais soutenir la demande intérieure suppose que les Chinois réduisent leur taux d'épargne. Celui-ci est actuellement très élevé "du fait de l'absence de Sécurité sociale dans le pays qui pousse les ménages à une forte épargne de précaution", explique Olivier Blanchard. Le pouvoir central promet régulièrement, depuis quelques mois qu'il va parfaire son système de sécurité sociale, en particulier à l'égard des paysans, mais le chantier est immense et tarde à démarrer. L'autre changement radical que les Chinois vont devoir accomplir, s'ils veulent participer au rééquilibrage de l'économie mondiale, consiste à accepter une appréciation de leur devise, le yuan, actuellement très sous-évalué. "Seule la conjugaison d'une demande chinoise plus importante et d'une remontée du yuan permettra de stimuler les exportations américaines", explique Olivier Blanchard. La question est donc plus que jamais de savoir jusqu'où Chinois et Américains arriveront à trouver des terrains d'entente sur ces questions.