Perchée à 1.400 mètres au-dessus de la mer sur la majestueuse montagne de Nafla (27 km au sud-est de Batna), la localité de R'haouet rattachée à la commune de Hidoussa s'accroche désespérément à ses derniers moulins à eau ayant forgé sur plusieurs siècles sa réputation de "minoterie" de la région des Aurès. Aujourd'hui, les deux ultimes moulins de pierre "survivants" de la période faste de cette contrée montagneuse dont le toponyme reflétant son ancienne vocation signifie "Les moulins", se dressent fièrement défiant l'action du temps et des éléments qui ont toutefois eu raison de certaines de leurs parties. Dissimulé au fond d'un verger du lieu-dit "Iferjadh" si ombragé que la moindre brise suffit à donner des frissons sous le soleil suffoquant d'un midi du mois d'août, un des ces deux moulins est la propriété de cheikh Brahim. Ce meunier septuagénaire qui soutient que son établissement était opérationnel en 1815 se dit prêt à le faire fonctionner de nouveau s'il arriverait à trouver de l'aide pour reconstruire le bief qui acheminait l'eau nécessaire pour actionner le moulin. Transformant en farine les céréales de toute la région de Mérouana jusque dans les années 1980, le second moulin de Ahmed Kebab est totalement abandonné et risque, selon les habitants du village, de subir le même sort que celui des autres moulins dont les ruines se répartissent aujourd'hui à travers les vergers de pommiers, de vignes et de figuiers. C'est l'inestimable atout de la présence de nombreuses sources jaillissant depuis des temps immémoriaux des tréfonds des roches de ces montagnes qui a amené les anciens habitants de R'haouet à développer l'activité meunière, affirme Si Driss, un vieux sage de la région. Un moulin traditionnel à céréales se compose de deux meules en pierre naturelle superposées d'un mètre et demi de diamètre dont le mécanisme est mis en marche à une assez grande vitesse par une roue à aubes actionnée par la force de l'eau acheminée par un canal à forte pente. Jadis la demande sur les moulins de R'haouet était telle que l'eau devait être partagée à la "Nouba" (à tour de rôle) entre les agriculteurs et les meuniers. Les premiers disposaient ainsi des ruisseaux des premières lueurs du jour au coucher du soleil alors que les seconds ne commençaient à travailler qu'à la tombée de la nuit pour ne s'arrêter qu'à l'aube, affirme cheikh Omar, autre vieux de la région. Pour Si Driss, loin de se considérer dérangés par le bruit nocturne des meules en mouvement, les habitants de R'haouet dont les maisons étaient éparpillées y trouvaient une sorte de compagnie agréable dont beaucoup en éprouvent aujourd'hui la nostalgie souvent attisée par le murmure des ruisseaux dévalant ces montagnes. La vocation meunière de R'hawate date de bien avant 1830, affirme encore Si Driss qui souligne que, de mémoire des personnes âgées, pas moins de 17 moulins transformaient en farine les récoltes de blé et d'orge des régions Terchiouine, N'gaous, Ain Touta, Mérouana et bien d'autres. A partir de l'indépendance, ces minoteries ont commencé à fermer une à une. Et c'est vers le milieu des années 1980 que le dernier moulin encore opérationnel cessa toute activité. R'haouet est célèbre également pour ses paysages naturels féeriques, ses multiples sources et ses cours d'eau à cascades dont certains endroits de leurs lits sont devenus de véritables piscines naturelles ombrées par de grands noyens et amandiers comme sur le site de Titaouine. Ses habitants construisaient leurs maisons en pierres tantôt sur les lisières des ruisseaux tantôt en les adossant aux flancs de gigantesques roches. La plus connue des usagers de la RN 77, la source de "Thaâwineth Ennoued Tachem" dont l'eau limpide est très fraîche en été et tiède en hiver, est la destination des familles de la ville de Batna qui viennent s'y désaltérer et s'en alimenter. R.R.