Le nouveau premier ministre japonais, Yukio Hatoyama, qui entrera officiellement en fonction mercredi prochain, ne doit pas nourrir d'illusions. La sortie de récession de l'Archipel, confirmée vendredi par la publication des chiffres révisés du PIB (produit intérieur brut) au deuxième trimestre, est un cadeau empoisonné. Certes, avec une croissance de 0,6 % par rapport au premier trimestre (2,3 % en rythme annualisé), le Japon peut s'enorgueillir d'être le troisième grand pays industrialisé, après l'Allemagne et la France, à mettre la tête hors de l'eau. Mais les chiffres qui avaient été rendus publics en août faisaient état d'une progression plus importante, de respectivement 0,9 % et 3,7 % entre avril et juin. Pourquoi une telle différence ? Simplement parce que la diminution des stocks des entreprises (- 1,7 %) et le recul des investissements en capital du secteur privé (- 4,8 %) sont plus importants que prévu. Or si le déstockage est une bonne chose puisqu'il permet aux entreprises de vider leurs entrepôts et de remettre les pendules à zéro pour mieux préparer une reprise de l'économie, la faiblesse des dépenses ne plaide pas en faveur du gouvernement japonais. En juillet dernier, les commandes de biens d'équipement et de machines-outils ont toutes deux chuté de 9,3 % sur un mois, un record ! On est loin de l'euphorie. Les entrepreneurs qui se retrouvent avec des capacités excédentaires se montrent frileux. En août, les prêts des banques japonaises enregistraient leur plus faible taux de progression depuis un an. En réalité, seuls deux facteurs expliquent le rebond du PIB japonais : les exportations, en baisse de plus de 35 % sur un an, repartent doucement et les ménages continuent à consommer. Le mois dernier, l'indice de confiance des consommateurs affichait ainsi une progression de 0,7 point en un mois, sa huitième hausse mensuelle consécutive. Elle s'explique notamment parce que ces ménages ont le sentiment que les réductions d'effectifs dans les entreprises se calment. Toyota va par exemple réembaucher 800 travailleurs temporaires. Ce sont là malheureusement des armes à double tranchant. D'une part, la trop forte dépendance de l'Archipel vis-à-vis de son commerce extérieur le fragilise. Le parti démocrate au pouvoir a d'ailleurs inscrit dans son programme un plan qu'il n'a pas encore expliqué pour que le Japon trouve les moyens d'en diminuer le poids. D'autre part, le maintien de la consommation repose sur les mesures de relance artificielles du gouvernement qui favorise notamment le renouvellement du parc automobile et des appareils ménagers. Pour Yukio Hatoyama, la partie est loin d'être gagnée. Le nouveau premier ministre ne peut plus se contenter de faire rêver les Japonais en leur promettant des jours meilleurs. Il lui faut passer aux actes. Mais son parti ne peut pas relancer les grands chantiers de travaux publics comme le faisaient ses prédécesseurs puisqu'il considère que c'est une aide déguisée aux entreprises. Il doit également faire face à une population vieillissante. Ce pays de 127 millions d'habitants a franchi vendredi pour la première fois le seuil des 40 000 centenaires. M.K