Les élections législatives en cours, hier,au Japon pourraient déboucher sur une alternance historique et confier à l'actuelle opposition, sans expérience du pouvoir, la tâche de sortir le pays de sa plus grave récession depuis 1945. A en croire les sondages, le Parti démocrate du Japon de Yukio Hatoyama est en mesure d'obtenir la majorité à la Chambre des représentants, ce qui repousserait dans l'opposition le Parti libéral démocrate (PLD) qui gouverne depuis 54 ans, à l'exception d'une courte parenthèse de dix mois en 1993. Certains sondages projettent même une majorité supérieure aux deux tiers des 480 élus de la chambre des représentants, mais des politologues jugent ces projections excessives. "Je n'aime pas ce qui se passe actuellement dans ce pays. Il faut changer. Je ne pense pas que les démocrates pourront faire tout ce qu'ils ont promis dans leur programme, mais cela devrait être mieux qu'avec le PLD", confie Kazuya Tsuda. Les propos de ce médecin à la retraite de 78 ans rencontré dans un bureau de vote de Tokyo illustrent le vote de rejet de la majorité sortante qu'anticipent les politologues, davantage qu'un vote d'adhésion au projet de l'opposition. Les opérations de vote, qui ont débuté à 07h00 (samedi 22h00 GMT), s'achèveront à 20h00 (11h00 GMT). Les sondages sortie des urnes seront aussitôt diffusés par les télévisions japonaises, avec les premiers résultats officiels attendus dans la soirée. "On saura avec cette élection si les électeurs trouvent le courage pour en finir avec la politique à l'ancienne", a lancé Yukio Hatoyama lors de son ultime meeting de campagne, samedi à Tokyo. Le prochain gouvernement prendra ses fonctions dans une période cruciale pour le Japon, frappé par un chômage sans précédent et confronté au défi du vieillissement de sa population. Même si la deuxième économie mondiale a renoué avec la croissance au deuxième trimestre, le chômage a atteint en juillet un niveau sans précédent à 5,7% de la population active et la déflation est de retour, pour la deuxième fois en moins de cinq ans. "L'économie est de loin la principale préoccupation des électeurs. Les électeurs devront décider dimanche s'ils soutiennent la méthode conventionnelle du PLD ou l'approche plus novatrice du Parti démocrate pour relancer l'économie", écrit le Japan Times. Sur le plan démographique, les projections de l'US Census Bureau, équivalent américain de l'institut des études démographiques, indiquent que la population de l'archipel pourrait chuter de 127 millions d'habitants actuellement à 94 millions d'habitants en 2050. En 2015, plus d'un Japonais sur quatre devrait en outre être âgé de 65 ans et plus, ce qui laisse entrevoir une aggravation du financement des prestations sociales, retraites et dépenses de santé en tête. Fondé en 1998 par des transfuges du PLD, d'ex-socialistes et de jeunes conservateurs, le Parti démocrate s'est engagé à concentrer les dépenses budgétaires sur les ménages. Il entend notamment améliorer le pouvoir d'achat des ménages et promouvoir la démographie via le versement d'allocations familiales (26.000 yens, soit 195 euros environ, par enfant et par mois dès avril 2011). Des économistes se sont inquiétés d'une aggravation du déficit public du Japon en cas de victoire du PDJ et le Premier ministre sortant, Taro Aso, a reproché à son rival d'entretenir le flou sur le financement de ces dépenses. Aso, dont le programme est plutôt axé sur le soutien aux entreprises, a affirmé samedi que le PDJ serait incapable de gérer l'économie. "Il n'y a pas une ligne sur la croissance économique dans le programme du Parti démocrate", a-t-il accusé. Les marchés financiers pourraient en revanche se satisfaire de la fin du blocage parlementaire qui freine l'action politique depuis que l'opposition est devenue majoritaire au Sénat en 2007. Signe de la préoccupation des Japonais, la participation pourrait atteindre des sommets. Un sondage commandé par le quotidien Asahi Shimbun évoque une mobilisation de l'ordre de 70% des inscrits. Aux dernières élections, en 2005, la participation s'était inscrite à 67,5%. La météo pourrait cependant refroidir les ardeurs des électeurs, notamment à Tokyo dont se rapprochait dimanche matin la tempête tropicale Krovanh. R.I