Les interrogations sur la façon dont vont évoluer les cours du pétrole se multiplient, à tel point que cela tourne à l'obsession. Si certain tablent sur un rebond accompagnant la reprise, d'autres redoutent par contre un krach. Certains préfèrent pour l'heure adopter une position de " j'attends pour voir ". C'est le cas notamment du cabinet Centre for global energy studies (CGES), lequel a estimé lundi dans son rapport mensuel qu'en attendant que la demande pétrolière se redresse et absorbe progressivement les surplus de stocks, les prix du pétrole n'auront pas d'incitation forte à grimper,. "Les experts du CGES s'attendent à une faible hausse des prix du brut durant le reste de l'année. Même l'an prochain, les prix ne devraient pas monter beaucoup, à moins que des signes clairs n'indiquent que le monde sort durablement de la récession", écrivent les analystes du cabinet fondé par l'ancien ministre du pétrole saoudien cheikh Ahmed Zaki Yamani. Les analystes estiment que l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) partage dorénavant cette vision du marché et ils s'en félicitent. Le cabinet londonien a ainsi enregistré deux changements importants dans le discours de l'Opep, dont les membres se sont réunis le 9 septembre dernier à Vienne. L'Opep s'est "abstenue de chercher à obtenir des prix plus élevés", souligne d'abord le CGES, soulignant : "Le ministre saoudien du Pétrole (Ali al-Nouaïmi) a été jusqu'à déclarer que les prix sont parfaits et qu'il ne s'attend pas à un changement avant un moment". Les prix du pétrole se sont redressés plus rapidement que prévu, portés par des anticipations de reprise économique, alors que les stocks pétroliers sont restés très élevés. Depuis le début de l'été, le baril s'échange autour de 70 dollars. "L'Opep semble avoir changé d'opinion quant à l'influence des réserves de pétrole sur les prix", en déduit le cabinet, notant que "des ministres (avaient) observé qu'il n'était plus rare de voir les stocks de pétrole et les cours du brut monter en même temps". Le cabinet londonien juge néanmoins que "les stocks élevés, notamment les réserves de distillats, plafonnent actuellement les prix, et ce plafond ne disparaîtra que lorsque ces stocks commenceront à baisser". Pour le CGES, cet horizon reste lointain, car la consommation de fioul de chauffage et de diesel (qui composent, entre autres, les distillats) "est liée étroitement à l'activité économique", et "il faudra du temps pour que la reprise de l'activité économique se traduise par une consommation croissante de distillats". Pour sa part, le patron de Total, Christophe de Margerie, a indiqué dans une interview diffusée lundi par la BBC, que les prix du pétrole risquent de flamber bien au-delà de 100 dollars le baril si des investissements massifs ne sont pas engagés dans l'exploration. Le directeur général de la compagnie pétrolière française a également affirmé à la BBC que les prix actuels du pétrole, autour de 70 dollars le baril, étaient trop bas pour couvrir les investissements à long terme de l'entreprise. "Nous considérons (qu'un pétrole à 60-70 dollars) ne suffit pas à protéger nos investissements à long-terme", a-t-il ajouté. M. de Margerie a averti qu'une pénurie de pétrole menaçait entre maintenant et 2015, si des mesures immédiates n'étaient pas prises pour investir dans l'exploration. "Nous pourrions être confrontés à une offre de pétrole insuffisante pour couvrir la demande, et je crois qu'il est dans notre rôle de le dire à l'avance (...) pour obliger les responsables de nos pays à réfléchir" à cette menace, a-t-il mis en garde. "Il faut s'y préparer, car dans deux ou trois ans il sera trop tard", a-t-il insisté. Pour le patron de Total, les pays producteurs de pétrole, y compris l'Arabie saoudite, ont besoin du concours des pays consommateurs. "Vous ne pouvez pas demander (aux pays producteurs) qui affrontent eux aussi la crise (économique) de continuer à investir (en pariant sur) une reprise potentielle de la demande et, en attendant, de le faire au bénéfice du reste du monde", estime-t-il. "Nous ne pouvons pas faire endosser toutes les responsabilités aux pays producteurs. Il faut s'assoir et discuter. Si l'on n'agit pas, il y aura un problème", prévient-il. Notons que les cours du pétrole rebondissaient d'un dollar hier matin, au lendemain d'une sévère baisse, ranimés par la faiblesse du billet vert, dont la chute est un encouragement à acheter du pétrole et des matières premières. A 10H00 GMT (12H00 à Paris), le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en novembre gagnait 1 dollar par rapport à la clôture de vendredi, à 69,69 dollars, sur l'InterContinental Exchange (ICE). A la même heure, le brut léger texan (WTI) pour livraison en octobre (dernier jour de cotation de ce contrat) grimpait de 1,08 dollar à 70,79 dollars sur le New York Mercantile Exchange. "Les systèmes d'ordres automatiques achètent des actions et du pétrole sur le principe d'une nouvelle chute du dollar", a expliqué Olivier Jakob, du cabinet Petromatrix. Utilisé comme un produit financier, le pétrole est très prisé par les fonds d'investissements, qui y voient un moyen de se couvrir contre la faiblesse du dollar et les risques d'inflation. Le dollar a touché son niveau le plus bas depuis un an face à l'euro, à 1,4821 dollar pour un euro, un mouvement ayant aussitôt déclenché des achats de matières premières.