Par le Docteur Abderrahmane Mebtoul, Expert international, professeur en management stratégique Le G20 regroupant les pays les plus riches de la planète se réunit en sommet à Pittsburgh, aux Etats-Unis, et ceux-ci veulent que la question du rééquilibrage du système financier international figure en bonne place au programme. Utopie ou réalité dans la mesure où le fondement même du système monétaire international repose sur la suprématie du dollar qui représente plus de 60% des transactions mondiales, un sujet qui fâche alors qu'il est déterminant , sera certainement abordé d'une manière partielle. 3.- La réunion de Pittsburgh tirera-t -elle les leçons de la crise des prêts hypothécaires d'août 2007 ? Comme le note avec pertinence l'économiste Jean Marc Vittori dans le financier français les Echos en date du 10 juin 2009, " En ce mois de juin, il flotte comme un étrange parfum d'irréalité. Alors que le monde entier affronte une profonde récession après avoir encaissé un choc financier colossal, tout se passe comme si la page avait déjà été tournée. Même s'il serait plus agréable de proclamer que la crise est finie, force est de constater qu'elle ne fait que commencer. La dette fait des trous partout, dans les comptes des entreprises, des particuliers, des Etats. Nous nous comportons comme un malade qui sortirait de l'hôpital juste après avoir réchappé d'un infarctus, sans avoir changé ni son régime alimentaire ni son mode de vie, sans même avoir fait les examens nécessaires pour vérifier qu'il ne court plus de risque à court terme. Nous n'avons pas tiré les leçons de la crise. Au risque de subir très vite un choc encore plus grand ". Car les gouvernements n'ont pas voulu examiner les origines de la crise, et d'autre part, ils ne sont pas prêts à renoncer aux " instruments financiers novateurs " [LBO, dérivés, titrisations, etc.], qui sont en partie à l'origine de la crise. Contrairement aux discours, pour Günther Bräunig, membre du conseil de la Banque de reconstruction allemande (KfW), lors d'une conférence sur la finance à Francfort, le 06 juin 2009, les banques recommencent à nouveau à offrir des titrisations, c'est-à-dire la vente d'obligations de crédit ou des risques qui leur sont liés, tout en faisant miroiter de fortes rémunérations, qui ne sont offertes que sur les marchés à très haut risque. Aussi sommes nous dans un cercle vicieux dans la mesure où les banques centrales (FED, BCE, banque d'Angleterre notamment ) au lieu de permettre aux banques de prêter de l'argent à l'économie,dont des secteurs dynamisants du futur, prêtent directement aux entreprises en difficulté, ce qui risque d'accélérer le déclin de la sphère réelle ,tout en poussant à des besoins énormes de financement. D'où l'hypothèse irréaliste, du moins durant la période 2009/2020- selon bon nombre d'experts financiers, de penser que la Chine avec la somme modique de 2000 milliards de dollars de réserves de change et les pays du Golfe (environ 1200 milliards de dollars de fonds souverains avant la crise, les pertes étant évaluées provisoirement à plus de 500 milliards de dollars) permettront de suppléer à ce besoin immense de financement. D'ailleurs le cours du pétrole actuellement qui ne répond pas aux fondamentaux selon une étude précise de l'Institut français du pétrole début juin 2009, comme cela a été à l'origine des 147 dollars n'est-il pas les prémisses d'un au retour à l'inflation car avec un baril à 100 dollars en termes de prix relatifs mondiaux et à prix constant, il serait l'équivalent d'environ 50 dollars ? La forte injection monétaire en Chine pour dynamiser le marché intérieur ne risque t-elle pas également d'aboutir à un processus inflationniste à terme, du fait de la récession des exportations qui ont certes atteint en 2008 plus de 1400 milliards de dollars (derrière l'Allemagne premier exportateur mondial plus de 1500 milliards de dollars contre seulement 560 milliards de dollars pour la France ) en raison de la crise mondiale ce qui réduirait sa compétitivité au niveau mondial poussant inéluctablement à la dévaluation de sa monnaie ? Ne risque t-on pas d'aller vers un effet de boule de neige en accroissant l'endettement d'autant plus qu'uniquement la dette américaine est passée de 3 à 13% du PIB à l'instar de la crise des prêts hypothécaires d'août 2007 mais dont l'origine est antérieure à cette date? En effet, pour l'économiste Gary Gorton, lors de la conférence de 2009 de la Banque de la Réserve Fédérale d'Atlanta, intitulée ["Slapped in the Face by the Invisible Hand; Banking and the Panic of 2007"], les titres liés aux crédits hypothécaires ont connu un véritable gonflement, passant de 492,6 milliards de dollars en 1996 à 3.071,1 milliards de dollars en 2006 et que plus de 20 trillions [1 trillion = 1.000 milliards] de dollars de dettes titrisées ont été vendue entre 1997 et 2007. Je résumé cette crise, où des titres ne sont adossés qu'à des entrées virtuelles, en cinq étapes : a- les banques ont fait des prêts immobiliers à des ménages insolvables ou présentant peu de garanties, à des taux d'intérêts élevés ;b- diffusion des mauvaises créances dans le marché : pour évacuer les risques, les banques "titrisent" leurs créances, c'est-à-dire qu'elles découpent leur dette en produits financiers pour la revendre sur le marché. La mondialisation a fait le reste, en diffusant ces titres à risque dans les portefeuilles d'investisseurs de toute la planète. Les fonds spéculatifs (hedge funds) ont été de gros acheteurs de subprimes, souvent à crédit pour doper leurs rendements (jusqu'à 30 % par an), et faire jouer l'effet de levier, les hedge funds empruntant jusqu'à 90 % des sommes nécessaires ; c- retournement du marché immobilier américain : vers fin 2005, les taux d'intérêts américains ont commencé à remonter alors que le marché financier s'essoufflait. Des milliers de ménages ont été incapables d'honorer leurs remboursements entraînant des pertes pour les banques et les investisseurs qui ont achetés les titres obligataires ont vu leur valeur s'effondrer ; d- crise de confiance : les banques se sont retrouvées dans une situation où comme dans un jeu de poker , elles savent ce qu'elles ont dans leur bilan , mais pas ce qui se trouve dans celui des autres car ces mauvais crédits immobiliers ont été achetés un peu partout dans le monde et on ne sait quelle est la répartition du risque d'où une grave crise de confiance et cette situation paralyse le marché inter- bancaire, les banques ne se prêtant plus ou très peu craignant que leurs homologues soient dans une ligne rouge ; e- intervention des banques centrales : face à la paralysie du marché, les banques centrales sont intervenue début août 2007 en injectant plusieurs centaines de milliards de dollars et d'euros de liquidités, et cela continue encore en 2009, les actifs toxiques que certains veulent voiler l'ampleur, surtout en Europe, continuant toujours d'avoir des effets négatifs. Ce qui m'amène à analyser la situation de l'Afrique face à la crise mondiale II- L'Afrique face à la crise mondiale 1- Situation de l'Afrique L'objectif stratégique sous la pression des pays émergents notamment de la Chine , la Russie l'Inde et le Brésil, de repenser l'actuel système économique mondial qui favorise la bipolarisation Nord/Sud, la pauvreté préjudiciable à l'avenir de l'humanité, accéléré d'ailleurs par les gouvernances les plus discutables de la part de la plupart des dirigeants du Sud et dans ce cas l'Afrique n'est-elle pas ce continent oublié? C'est qu'en été 2007, au lendemain de l'éclatement de la crise, plusieurs responsables africains affirmaient, " nous n'avons rien à craindre. Grâce au sous-développement nous sommes immunisés ".Mais à terme, la crise ne menace t-elle pas d'attiser surtout les conflits sur le continent, d'autant plus que la croissance mondiale qui, pour la première fois depuis 60 ans, sera négative ? Même si la crise a été lente à atteindre les rivages de l'Afrique, nous savons tous qu'elle arrive et que son impact sera sévère a averti le FMI dans son dernier rapport de mars 2009, prévoyant une chute drastique des échanges commerciaux et de services avec les pays africains, une baisse des transferts de capitaux par la diaspora, l'amenuisement des investissements étrangers et de l'aide avec une récession, la croissance économique du continent ne devant pas dépasser les 3% en 2009, loin des 5,4% de croissance enregistrés en 2008. La population africaine est estimée à 922 millions d'habitants en 2005, à 944 millions en 2007, a doublé depuis 1980, pratiquement quintuplé depuis 1950 et s'oriente vers un milliard et demi ( 1,5) horizon 2020. Le produit intérieur brut africain dépasse en moyenne 2007/2008 mille (1000) milliards de dollars. Le secteur des services représente la plus grande part du PIB avec 44,7%, suivi de l'industrie (41,5%) et de l'agriculture (13,8%). En 2006, les secteurs industriel et agricole on enregistré la plus forte croissance avec respectivement 5,7 et 5%[5] []Si l'expansion de l'économie mondiale a favorisé le développement de certaines aires géographiques comme l'Asie du Sud et de l'Est, l'Afrique est restée, elle, largement en marge du phénomène. 34 pays les moins avancés (PMA) sur 49 se situent aujourd'hui sur le continent noir. Selon les rapports de l'OUA de 2006/2007, sur 141 pays en voie de développement 95 soit les 2/3 sont tributaires à plus de 50% de leurs exportations des matières premières agricoles et minérales dont 80% pour l'Afrique subsaharienne. A titre d'illustration entre 2005/2006 le coton représente dans le total des exportations 56% pour le Burkina Faso, 66% pour le Bénin et 76% pour le Tchad, d'ailleurs fortement concurrencé pour la Chine et l'Inde. Le commerce intra- africain qui ne dépasse pas 10%( rappelant que le commerce intra maghrébin qui peut être un espace de dynamisation du commerce intra- africain épaulé par une zone de libre échange africo- arabe du fait des importants capitaux et des opportunités d'affaires, ne représente en 2008 qu'environ 3%) est dominé par un nombre restreint de pays qui vendent un nombre limité de produits. En Afrique subsaharienne (à l'exclusion de l'Afrique du Sud), d'après la Banque mondiale, pour 2007, environ trois quarts des exportations intra -africaines proviennent de cinq pays (Côte d'Ivoire, Ghana, Kenya, Nigéria et Zimbabwe). C'est que les efforts actuels d'intégration régionale,( vœux pieux malgré plusieurs expériences) , qui remontent à 1994, date de l'entrée en vigueur du traité d'Abuja, et qui consistait en une intégration progressive en créant des zones de libre-échange par l'élimination des tarifs douaniers sur les produits échangés au sein des diverses communautés économiques africaines, les barrières non tarifaires et l'adoption d'un tarif douanier commun pour former une union douanière, du fait que les taxes commerciales imposées sur le continent, sont plus élevées que dans les autres régions, ont largement contribué à freiner le commerce entre pays africains. A suivre...