Si le président Barack Obama décide d'envoyer 30.000 à 40.000 soldats américains en renforts en Afghanistan, ce sera contre l'avis de certains conseillers mais aussi de certaines personnalités démocrates au Congrès. L'équipe de conseillers à la sécurité nationale du président américain a lancé, hier, une série de réunions à huis clos destinées à réévaluer la stratégie de Washington en Afghanistan. Obama entend avant toute chose déterminer la meilleure stratégie pour les forces américaines dans ce pays avant d'envisager si des renforts doivent y être dépêchés ou non. La décision ne devrait pas être prise avant plusieurs semaines. "Ce ne sera pas conclu en une réunion. Ce ne sera pas non plus conclu en plusieurs réunions", fait remarquer Robert Gibbs, porte-parole de la Maison blanche. Les avis sont partagés pour le moment au sein de l'administration américaine sur l'opportunité de renforcer le contingent américain, alors qu'Obama doit prendre une décision charnière concernant une guerre lancée par son prédécesseur, George Bush, après les attentats du 11 septembre 2001. "Le président a l'intention de prendre connaissance des opinions des personnes en qui il a confiance et qu'il respecte, personnes susceptibles d'être en désaccord les unes avec les autres. Au bout du compte, ce sera à lui d'arrêter une décision", a déclaré un responsable de l'administration américaine, sous le couvert de l'anonymat. "Obama n'est pas dans une position facile. Il risque de se mettre à dos la gauche qui le soutient, en envoyant des renforts, mais il pourrait aussi avoir à répondre aux questions de ceux qui lui demanderont qui a perdu en Afghanistan" si les taliban reprennent un jour le contrôle du pays, ajoute ce responsable. Le général américain Stanley McChrystal, commandant en chef des forces de l'Isaf (Force internationale d'assistance à la sécurité) en Afghanistan, a estimé dans un rapport adressé à Obama que la guerre se solderait par un échec faute d'envois de renforts et de modifications dans la stratégie qui consiste à gagner la confiance du peuple afghan. "J'ai bon espoir et j'aurai tout à fait l'occasion de faire valoir mon évaluation et de formuler mes propres recommandations", a dit le général dans une interview diffusée dimanche par la chaîne américaine CBS. Le vice-président Joe Biden a proposé de modifier la mission des troupes américaines, de sorte qu'elles concentrent leurs attaques sur des objectifs d'Al Qaïda situés essentiellement au Pakistan, cela en recourant à des drones Predator et à d'autres moyens, tout en continuant de former les troupes afghanes. "Il est évident qu'il y a certaines personnalités à la Maison blanche qui penchent plutôt pour ça", explique Stephen Biddle, spécialiste de l'Afghanistan au Conseil des relations extérieures. La secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton a estimé quant à elle dans une interview à la chaîne publique PBS qu'il était important de ne pas se concentrer seulement sur le Pakistan mais de le faire aussi sur l'Afghanistan. "Certains disent Eh bien Al Qaïda n'est plus en Afghanistan. Or, si l'Afghanistan était de nouveau aux mains des taliban, je ne vous dis pas à quel point Al Qaïda reviendrait vite en Afghanistan!", a-t-elle souligné. Voix critique dans les délibérations à venir, celle du secrétaire à la Défense Robert Gates, républicain qui était déjà à la tête du Pentagone sous George Bush. Gates a indiqué ces derniers jours qu'il n'avait pas encore décidé s'il acceptait l'idée du général McChrystal d'envoyer de nouveaux renforts. Au Congrès, certains dirigeants démocrates comme Carl Levin, président de la commission sénatoriale des Forces armées, appellent à la prudence face à ceux qui préconisent l'envoi d'importants renforts. Pour Carl Levin, il importe de former rapidement l'armée afghane sans renforcer la présence militaire américaine, car celle-ci offre sur un plateau des arguments à la propagande des taliban. Un sondage Gallup publié la semaine dernière indiquait que 50% des Américains s'opposaient à l'envoi de renforts en Afghanistan, tandis que 41% y étaient favorables, ce qui dénotait une baisse des soutiens à ce conflit parmi la population américaine. Dans une interview que publie mardi le quotidien Le Figaro, le général McChrystal estime que l'Occident peut gagner la guerre d'Afghanistan. Reprenant un slogan de campagne cher à Barack Obama, il répond laconiquement par ces mots: "Oui, nous le pouvons." Il souligne cependant que "C'est le peuple afghan qui décidera qui gagnera cette guerre. L'Etat afghan et l'armée afghane sont les forces qui, en fin de compte, emporteront la décision". M.K