Même si la finance éthique, qui trouve sa plus haute expression dans le concept de finance islamique, est aujourd'hui considérée comme une alternative à la finance classique en cette période de crise, elle reste néanmoins exposée aux risques notamment ceux induits par le marché immobilier. C'est du moins ce qui ressort des propos de Mohamed Damak analyste chez Standard and Poor's et co-directeur du Groupe de travail sur la finance islamique. Dans un entretien à Webmanagercenter celui-ci précise que l'encours de la Finance islamique dans le monde pourrait atteindre 1.000 milliards USD en 2010. Selon certaines prévisions et alors que 25% de la population mondiale est de confession musulmane, certains estiment que 40% à 50% de leur épargne sera géré par la Finance islamique d'ici une dizaine d'années, contre 10% vers 2007. Il indique par ailleurs que la Finance islamique s'est développée de manière très rapide au cours des dix dernières années. Elle reste néanmoins un segment "jeune" de la finance. Ses principes sont au nombre de cinq, à savoir interdiction de l'intérêt, interdiction de l'incertitude, interdiction du financement de certains secteurs jugés illicites (armement, porc, alcool), principe de partage de profits et des pertes entre les participants à une transaction financière et principe qui stipule que toute transaction doit être sous-tendue par un actif tangible. " Dans un premier temps, l'offre de la Finance islamique faisait en sorte de répondre aux mêmes besoins exprimés par des banques conventionnelles, ce qui était un passage normal dans la courbe d'évolution du secteur. Dans un second temps et avec l'ancrage de la Finance islamique dans la finance mondiale, il se peut qu'on assiste à la création de nouveaux produits exclusifs à la Finance islamique. Les comptes de partage de profits et de pertes en sont un exemple, même si leurs fonctionnements en pratique pourraient être différents de la théorie. En effet, une banque qui ferait partager à ses clients des pertes résultant de son activité pourrait voir sa base de déposants fondre rapidement. Cependant, il convient de retenir que la question n'est pas de savoir si la Finance islamique va remplacer la finance conventionnelle, mais plutôt d'anticiper la cohabitation des deux modèles dans une optique de satisfaire les besoins des différents clients ", dira-t-il. L'analyste considère également que le danger de lancer des produits financiers non conformes à la Charia, alors qu'ils prétendraient l'être, est réel. " L'objectif de la Finance islamique n'est pas de révolutionner le monde de la finance. Il ne s'agit pas de trouver une solution alternative à la banque traditionnelle. C'est l'innovation par la création de nouveaux produits qui sont structurés en conformité à la Charia qui prime en vue de satisfaire les besoins des clients qui cherchent cet aspect de conformité à la Charia ", a-il indiqué avant d'ajouter que les banques islamiques, de manière générale, ont certes été plus résistantes que leurs consœurs conventionnelles du fait de leur non exposition aux produits d'investissement structurés. Cependant, avec la transformation de la crise financière en une crise économique, des impacts sont à attendre sur la qualité des actifs des banques islamiques aussi bien que pour les banques conventionnelles. Pour rappel, le potentiel du marché bancaire islamique est estimé à 4 200 milliards de dollars par le cabinet d'expertise Standard & Poor's et les fonds islamiques pèsent, à ce jour, 500 milliards de dollars, bénéficiant d'une croissance annuelle moyenne de 15%. Selon une autre estimation, les flux financiers hallal atteignent actuellement 840 milliards de dollars. Il existe aujourd'hui environ 345 institutions de finance islamique répertoriées dans quelque 70 pays. Isma B.