En pleine crise financière, une nouvelle tendance vient d'apparaître dans le système financier mondial. En effet, la finance islamique semble être le nouveau modèle alternatif ; elle commence à se généraliser et à être appliquée dans plusieurs pays, notamment dans le système financier des puissances mondiales, qui semblent reconnaître ses vertus. Dans une interview, Gilles Saint-Marc Avocat associé au sein du cabinet Gide Loyrette Nouel et président de la commission finance islamique au sein de Paris Europlace, a mentionné les raisons pour lesquelles la France s'intéresse de manière étroite au développement de la finance islamique. Tout d'abord la France a la population musulmane la plus importante d'Europe, ensuite, de manière pragmatique, dans le contexte actuel, la France s'efforce de tout mettre en œuvre pour accueillir dans les meilleures conditions les investissements provenant du Moyen-Orient ou de l'Asie du Sud-Est pour financer son économie. Enfin, sur un plan plus structurel, la finance islamique constitue une finance alternative par rapport à la finance conventionnelle. Gilles Saint-Marc qualifie la finance islamique comme une finance simple et pérenne qui s'inscrit dans une perspective de long terme. Par ailleurs, la finance islamique est une finance participative ; le bailleur de fonds contribue aux profits et aux pertes de l'actif qu'il finance. Sa posture ressemble alors davantage à celle d'un entrepreneur. Cela est d'autant plus intéressant que dans la finance islamique, il n'y a pas de rupture entre le rendement et le risque. Autrement dit, le rendement est une fonction directe du risque pris. Le président de la commission finance islamique au sein de Paris Europlace analyse que la finance islamique permet de financer l'économie réelle par opposition à ce qu'il est convenu de dénommer la sphère financière. Dans ces conditions, elle a pour vocation de financer des actifs tangibles, des projets d'infrastructures. A savoir que Londres a déjà pris l'initiative d'appliquer la finance islamique. Par contre, la place de Paris a réalisé, au cours des 12 derniers mois, une modification de son cadre juridique et fiscal comparable à celle qu'a réalisée la place de Londres en quatre ans. Quatre textes ont été adoptés sur le plan normatif, a ajouté Gilles Saint-Marc. Le même spécialiste pense que les projets de création de banques islamiques qui sont évoqués, sont des projets de banques universelles qui auront pour ressources des dépôts qu'ils utiliseront sous forme de prêts. Gilles Saint-Marc a abordé un point essentiel, c'est que la finance islamique fait appel à des intervenants qui n'existent pas dans la finance conventionnelle, à commencer par la "charia board" de la banque et suppose alors des frais fixes supplémentaires eu égard à la finance conventionnelle, mais à l'instar de tous les produits innovants, il y a un effet d'apprentissage. Dès lors que le produit tendra à se banaliser, les coûts devraient s'aligner. En outre, au-delà des coûts, il y a lieu de raisonner en termes de rendements. Si la finance islamique permet de faire des investissements dans des actifs plus rentables, qui ne sont pas soumis aux aléas des marchés financiers, et qui se situent dans une optique de plus long terme, alors il faut considérer les bénéfices des produits de la finance islamique par rapport à leurs coûts supposés. Mieux vaut payer un peu plus cher pour accéder à un produit qui soit effectivement rentable, plutôt que de payer bon marché un produit qui s'avérera être un fiasco sur les opérations de marché à terme et où finalement l'investisseur ne récupère rien, a conclu Gilles Saint-Marc. "La crise actuelle conduit les acteurs à reconsidérer leurs modes habituels de financement, notamment l'excès de l'effet de levier. Mais je crois véritablement que la finance islamique est un complément à la finance conventionnelle sur laquelle repose fortement l'économie mondiale. Il ne faut pas lui donner un rôle plus important qu'elle ne peut jouer", a-t-il ajouté. Un autre débat a été posé sur l'aspect éthique de la finance islamique, mais si la France ne voit aucun problème de ce côté tant que ce système respecte les lois de la République française dans son ordre juridique. Pour ce qui est de l'avancement du projet, Gilles Saint-Marc a déclaré que d'ici la fin juin, les deux ateliers prioritaires sont l'élaboration du cadre juridique qui permettra l'émission de sukuks en droit français et l'agrément par la Banque de France d'une banque islamique. A noter que, depuis peu, les investissements directs étrangers (IDE) en provenance du monde arabe sont en passe de dépasser les IDE européens ; c'est peut-être une tendance prometteuse pour profiter d'une manne financière importante. Actuellement, l'ensemble des pays africains devraient adopter la finance islamique qui a fait preuve d'efficacité jusqu'à présent. Aujourd'hui, la finance islamique fait partie du paysage économique mondial. Il serait tout de même aberrant de voir des banques islamiques investir en Afrique à travers leurs filiales en Europe, or c'est ce qu'il risque d'arriver si les Africains ne font pas le nécessaire pour adapter leur cadre réglementaire et montrer des signes positifs pour leur accueil ! Ouzna Mesroua