Selon une source du Jeune Afrique, les pays de l'Afrique du Nord ont connu une année exceptionnelle en matière de récolte. Ainsi, il est démontré qu'il est possible d'améliorer les rendements et de réduire à moyen terme le déficit céréalier chronique. Les récoltes de blé pour la saison 2008-2009 ont atteint un niveau sans précédent: un peu plus de 19 millions de tonnes dans l'ensemble de la région. Et, toutes céréales confondues (blé, orge, riz et céréales pour le bétail, dont le maïs), la production des quatre principaux pays à la fois producteurs et importateurs s'est élevée à 41,7 millions de tonnes. Au Maroc et en Algérie, qui affichent respectivement 10,2 millions et 6 millions de tonnes, c'est du jamais vu depuis les années 1960. Si ces pays sont encore très loin de résorber leur déficit céréalier chronique, qui tourne autour de 50 % de leur consommation, ces performances se traduisent tout de même par une baisse des besoins en importations pour les prochains mois, surtout celles de blé. La combinaison de ces bonnes moissons avec la dégringolade des cours mondiaux des céréales, après le pic de la fin 2007 et du premier semestre 2008, devrait alléger considérablement l'addition céréalière en devises de ces quatre pays, et donc améliorer leur balance des paiements. Au Maroc, durant le premier semestre 2009, les factures des importations de blé et de maïs ont baissé respectivement de 42% et de 22%, et les experts annoncent que cette tendance devrait se poursuivre au cours des prochains mois. Seulement voilà, pour le consommateur, dont l'alimentation est à base de produits céréaliers, le prix de la baguette de pain, de la semoule du couscous ou des macaronis est resté insensible à cette embellie. À cela une raison bien simple: dans ces quatre pays, les prix sont subventionnés par les budgets des Etats. En 2007-2008, en pleine flambée des cours céréaliers sur les marchés internationaux, ceux-ci ont en effet remis la main à la poche pour éviter des émeutes sociales. Par ailleurs, pour leur part, les gouvernements ont préféré garder inchangés les prix déjà subventionnés, compenser le surplus de prix pour ne pas le faire supporter par le consommateur et agir pour garder sous contrôle le taux d'inflation, qui a connu une glissade toutefois moins grave qu'ailleurs dans le monde. Mais les grands gagnants sont surtout les agriculteurs. En effet, durant des décennies, les prix de cession de leurs récoltes étaient fixés par des gouvernements qui les ont maintenus anormalement bas, ce qui a limité la production et donc favorisé les importations. Lors de la crise, chacun de ces pays s'est rendu compte qu'il n'avait pas de véritable politique d'autosuffisance alimentaire, qui n'existait que dans les discours. Alors, pour faire face à la crise de 2007-2008, ils se sont tournés vers les agriculteurs et ont pris une série de mesures pour les inciter à augmenter leur production. L'une d'elles a consisté à augmenter les prix à la production. Si bien que, depuis la chute des cours mondiaux, on se trouve aujourd'hui dans une situation assez paradoxale : le prix de la tonne de blé produite localement tend à être supérieur à celui de la tonne de blé importée. Faut-il alors revenir en arrière ? C'est l'heure de vérité pour les quatre gouvernements. La crise alimentaire de 2008 a été un électrochoc qui a favorisé la réflexion sur les différentes options s'offrant à eux pour repenser leurs politiques agricoles. L'Algérie, l'Egypte et le Maroc, qui représentent moins de 2% de la population de la planète, absorbent à eux seuls 15 % des importations mondiales de blé. La première option, qui a les faveurs de quelques experts de la Banque mondiale et des négociants, serait l'abandon de la filière céréalière sous prétexte de "non rentabilité" et son remplacement par les fruits et légumes à l'export. Notant, dans ce sens, que l'Algérie compte sur une récolte de 6 millions de tonnes par an en moyenne et non pas seulement durant les années exceptionnelles. Quant à l'Egypte, elle s'est fixée comme objectif de produire 80% de ses besoins en blé, dont elle est le premier importateur mondial avec 6% à 7% des parts de marché. Synthèse Nassim I.