L'Europe, et notamment la zone euro, est sortie au troisième trimestre de la récession économique, la pire jamais survenue depuis la seconde guerre mondiale. Après cinq trimestres consécutifs de recul, le produit intérieur brut (PIB) des seize pays de la zone euro a progressé de 0,4 % pendant l'été, selon une première estimation de l'Office statistique Eurostat, publiée vendredi 13 novembre. Sur l'ensemble des Vingt-Sept, la croissance a atteint 0,2 % par rapport au trimestre précédent. Une performance modeste par rapport aux 0,9 % enregistrés par les Etats-Unis, mais qui confirme le scénario d'une reprise graduelle de l'économie européenne. Encore fragile, le retour de la croissance est de surcroît inégal d'un pays à l'autre de l'Union. Elle était redevenue positive dès le second semestre en Allemagne et en France, les deux locomotives de la zone euro : le rebond s'accélère dans la première (0,7 %), tandis qu'il se stabilise dans la seconde, au même niveau que le trimestre précédent (0,3 %). L'Italie émerge à son tour de la récession (0,6 %), tout comme les Pays-Bas (0,4 %) et la plupart des Etats d'Europe centrale. En revanche, le Royaume-Uni (- 0,4 %) et l'Espagne (- 0,3 %) n'ont pas réussi à surmonter le double choc suscité par les crises financière et immobilière.La conjoncture européenne bénéficie du rebond de l'économie mondiale et de la relative reprise des exportations, en dépit de la force de la monnaie unique. "Avec un euro autour de 1,50 dollar, le seuil de douleur est en principe atteint pour les entreprises européennes, mais ce niveau ne gêne pas encore trop les exportations, en Allemagne en particulier", estime Philippe de Buck, directeur général de l'organisation patronale Business Europe. Le rebond de l'activité conforte l'analyse des responsables européens. Sur l'ensemble de l'année 2009, la récession risque de dépasser les 4 % en Europe - du jamais-vu - mais le pire semble passé. Dans ses prévisions d'automne, publiées le 3 novembre, la Commission européenne avait déjà revu à la hausse son pronostic pour 2010. Elle espère dorénavant une croissance cumulée de l'ordre de 0,7 % pour les Vingt-Sept, contre une légère contraction du PIB attendue six mois plus tôt, au plus fort de la crise. Et elle table sur 1,6 % de croissance en 2011. "Indices de confiance, données brutes, les signes d'amélioration de la situation économique sont devenus de plus en plus tangibles depuis l'été", avait alors expliqué la Commission. La faiblesse persistante de la demande, dans un contexte de progression du chômage, incite cependant les Européens à la plus grande prudence. Le taux de chômage pourrait dépasser les 10 % de la population active d'ici à la fin 2010, contre 7 % fin 2008 sur l'ensemble de l'Union européenne. Les plans sociaux se multiplient, en dépit des mesures de soutien mises en oeuvre par les pouvoirs publics, qui contribuent à gonfler le niveau des déficits. Selon la Commission, "le retournement de l'activité économique au sein de l'Union européenne et à l'étranger est largement tiré par des facteurs temporaires", comme les mesures de relance ou l'ajustement des stocks. La situation des banques, fragilisées par la crise, demeure par ailleurs préoccupante et complique l'accès au crédit. "Il faudra du temps avant que cette reprise technique génère des emplois et de l'investissement domestiques pour déboucher sur un mécanisme de croissance auto-entretenu", craignent les économistes du Crédit agricole dans une récente note. La reprise devrait d'ailleurs "fléchir un peu" début 2010, avant de "regagner du terrain" au second semestre, estime le commissaire européen chargé des affaires économique, Joaquin Almunia.