Plusieurs ONG ont accusé les multinationales de l'alimentaire de chercher à s'emparer de millions d'hectares de terres de bonne qualité appartenant aux petits paysans du tiers monde, lors du sommet de la FAO sur la sécurité alimentaire à Rome. Lundi devant le siège de l'organisation onusienne, une vingtaine d'agriculteurs africains et sud-américains en tenue traditionnelle, ont mené une action symbolique pour dénoncer des "rachats massifs de terrains" par les firmes agro alimentaires avec, selon eux, la complicité de la FAO et de certains gouvernements. Les ONG, dénoncent les ententes entre des investisseurs et des gouvernements qui aboutissent à la confiscation de dizaines de millions d'hectares de terres fertiles en Asie, en Afrique et en Amérique latine. Pour GRAIN : " A ce jour, plus de 40 millions d'hectares, dont 20 millions rien qu'en Afrique, ont changé de main ou sont l'objet de négociations. D'après nos calculs, plus de 100 milliards de dollars US ont été déboursés pour en arriver là."La plupart des terres confisquées se situent dans des pays en fort déficit alimentaire et les " méga-fermes " qui y sont installées conduisent à une production contrôlée par des multinationales et tournée vers l'exportation. Le premier résultat de ces opérations financières est de faire disparaître l'agriculture paysanne locale, et ainsi d'aggraver l'insécurité alimentaire. Pour Nettie Wiebe, une paysanne canadienne, membre dirigeante de La Via Campesina : " Si le monde veut vraiment éradiquer la faim, il n'y a pas beaucoup d'options. Nous devons soutenir et encourager les paysans à produire des aliments pour les populations locales de façon durable. La véritable solution à la crise alimentaire passe par une reprise du contrôle des moyens de production alimentaire tels que la terre, les semences, l'eau et les marchés locaux par les paysans et les paysannes, et non par les multinationales ". "Environ 80% des personnes ayant faim vivent dans des zones rurales. Mais la politique de la FAO soutient les multinationales, qui accaparent les terres des petits producteurs en Asie, en Afrique et en Amérique latine", a lancé Henry Saragih, coordinateur du mouvement altermondialiste La Via Campesina. Ce dernier est l'un des 400 délégués venus de 70 pays qui participent à un forum sur "la souveraineté alimentaire des peuples maintenant", parallèle au sommet de la FAO. Selon les ONG Grain et La Via Campesina, "certains gouvernements comme l'Arabie saoudite et la Corée du sud font pression dans cette direction (ndlr, l'acquisition de terres) comme nouvelle stratégie pour nourrir leurs populations sans recourir au commerce international". "Plus de 100 milliards de dollars sont sur la table, et 40 millions d'hectares ont déjà été acquis de l'Ethiopie jusqu'à l'Indonésie", ont-elles affirmé. Le leader libyen Mouammar Kadhafi a lui aussi dénoncé à la tribune de la FAO contre ce "nouveau féodalisme" en Afrique, où "des investisseurs étrangers achètent les terrains agricoles, se transformant ainsi en nouveaux propriétaires latifundiaires contre lesquels nous devons lutter". Pour le ministre brésilien de l'Agriculture Guillerme Cassel, "il faut tenir compte de la réalité de chaque pays". "Il y a un mois, le président Lula da Silva a promulgué un décret limitant l'achat de terres par les étrangers", a-t-il indiqué. Pour la FAO au contraire, le secteur privé est "un partenaire clé pour affronter le problème" de la production alimentaire, "non seulement en terme d'investissement mais aussi de savoir-faire, d'expertise", selon les termes de son directeur général Jacques Diouf. D.T.