Le projet de réforme du système de santé cher au président Barack Obama a franchi samedi soir un obstacle de taille au Sénat américain, où les 60 élus démocrates ont décidé lors d'un vote qu'un débat pourrait s'ouvrir dans ce domaine. Ce débat commencera le 30 novembre, après la fête de Thanksgiving, et durera au moins trois semaines. La Chambre des représentants, elle, a déjà adopté son propre projet de loi le 7 novembre, et, si le Sénat fait de même, il faudra que les deux chambres s'accordent en janvier sur un texte commun, fruit de la fusion des deux projets, avant que le président Obama ne puisse signer la mouture finale. Le chef de l'Etat ne pourrait ainsi pas signer la loi réformant le système de santé avant la fin de cette année, comme il l'espérait. Les enjeux sont élevés pour le président, dont la cote de popularité vient, dans deux sondages, de passer sous la barre des 50%, dix mois après son investiture. Le porte-parole de la Maison blanche, Robert Gibbs, a déclaré que Barack Obama était très satisfait du résultat du vote et "attend avec impatience un débat en profondeur et fructueux". Pour ce premier test au Sénat du projet de réforme, les démocrates ont ainsi tous apporté leur soutien à la motion décidant d'un débat, tandis que 39 républicains ont voté contre. Un sénateur républicain, George Voinovich, n'a pas pris part au vote. "Le débat relatif à la réforme de la santé est maintenant officiellement en cours sur le texte de 2.074 pages(...)", a déclaré le chef de la minorité républicaine au Sénat, Mitch McConnell. Et celui-ci de faire remarquer que pratiquement tous les projets de loi qui, au Sénat, franchissent ce premier obstacle - le vote sur un débat - étaient adoptés in fine. Cette première victoire était pour ainsi dire acquise depuis quelques heures, avec la décision de deux démocrates "centristes", Blanche Lincoln et Mary Landrieu, de soutenir la motion sur le débat. Elles ne se sont cependant pas pour autant engagées à voter en faveur du projet de loi s'il ne subit pas entre-temps des modifications. "J'estime qu'il est plus important que nous entamions ce débat afin d'améliorer le système de santé de notre pays, pour tous les Américains, au lieu de nous borner à abandonner la question", avait déclaré Blanche Lincoln, la dernière sénatrice encore réticente, quelques heures avant le vote. Ben Nelson, élu du Nebraska souvent considéré comme le démocrate le plus conservateur du Sénat, avait quant à lui mis fin au suspense dès vendredi en annonçant qu'il voterait en faveur de l'ouverture d'un débat. Au Sénat, les démocrates avaient absolument besoin de rallier 60 voix au minimum, sur un total de 100, car sinon, les républicains auraient pu se livrer à des manoeuvres d'obstruction (filibustering). Ils n'avaient donc aucune marge d'erreur, les républicains étant unis dans leur opposition à ce projet de réforme. La défection d'un seul élu démocrate aurait pu porter un coup d'arrêt à la réforme phare du chef de la Maison blanche. Une telle mise en échec aurait constitué un sérieux revers politique pour Barack Obama. Le président américain a fait de ce chantier sa priorité sur le plan intérieur. Il veut étendre la couverture maladie à la plus large partie possible des 46 millions d'habitants qui en sont actuellement privés et mettre un terme à certaines pratiques des compagnies d'assurance, comme le refus d'assurer certaines catégories à risque de la population. Les républicains dénoncent un projet coûteux et refusent que le gouvernement fédéral empiète sur une assurance maladie gérée par le secteur privé. Le plan dévoilé par le Sénat permettrait d'apporter une couverture maladie à 31 millions d'Américains qui n'en disposent pas actuellement, selon un collaborateur du Congrès. Avant d'être adopté, ce plan va devoir relever des défis de taille. Le chef de la majorité démocrate au Sénat, Harry Reid, aura fort à faire pour réconcilier les points de vue divergents au sein de son groupe sur des points comme le remboursement des avortements, l'option publique prévue par la réforme et les efforts de réduction des coûts. L'adoption de cette réforme signifierait le plus profond changement pour le système de santé des Etats-Unis depuis la création, en 1965, de Medicare, le système d'assurance maladie destiné aux personnes âgées, géré par le gouvernement. D'un coût annuel de 2.500 milliards de dollars, le système de santé représente 16% du PIB des Etats-Unis, un poids sans équivalent au sein des pays de l'OCDE pour un résultat guère satisfaisant : dans un classement établi en 2000 par l'Organisation mondiale de la santé, les Etats-Unis n'arrivaient qu'au 37e rang.