Dans les cercles de santé animale, voici une nouvelle qui sonne comme une véritable révolution: au cours des 18 prochains mois, la Fao et l'Organisation mondiale de la santé animale (OIE), avec le concours d'autres partenaires, proclameront officiellement l'éradication de l'une des maladies animales les plus dévastatrices: la peste bovine. Ce sera la première fois dans l'histoire de l'humanité qu'une maladie animale sera éradiquée, et seulement la deuxième fois qu'une maladie sera rayée de la planète grâce aux efforts de l'homme. Cette victoire est l'aboutissement d'une campagne intensive sur plusieurs décennies pilotée par la FAO avec un large éventail de partenaires et visant à isoler la peste bovine en la poussant dans ses derniers retranchements, avant de lui asséner le coup de grâce. La peste bovine est inoffensive pour l'homme mais c'est une maladie mortelle pour le bétail et les animaux à sabots dont il dépend pour se nourrir, se procurer des revenus et pour la traction animale. Les taux de mortalité durant les épidémies peuvent avoisiner les 100%. Causée par un virus, elle se propage par contact direct ou par l'intermédiaire de matériaux contaminés. La peste bovine a anéanti des millions de bovins, de buffles, de yaks et leurs parents sauvages, causant des pertes économiques colossales et contribuant à des famines et troubles sociaux pendant des milliers d'années. Importée d'Asie en Europe par les tribus d'envahisseurs, la peste bovine a frappé l'Empire romain en 376-386 av. J.-C. et serait soupçonnée d'avoir contribué à son déclin, voire à son effondrement. En France, des épidémies à répétition au XVIII ème siècle ont provoqué des famines et des chutes de la productivité agricole, alimentant les agitations sociales qui ont culminé avec la révolution de 1789. A son paroxysme dans les années 20, la peste bovine s'étendait de la Scandinavie au Cap de Bonne Espérance et des côtes africaines de l'Atlantique à l'archipel des Philippines. Au début des années 80, la maladie ravageait encore les troupeaux de l'ancien monde, avec des épidémies dévastatrices en Asie du Sud, au Moyen-Orient et en Afrique. A cette époque, les pertes au Nigéria se sont élevées à 2 milliards de dollars. En 1994, une flambée dans le nord du Pakistan a décimé plus de 50 000 bovins et buffles avant d'être circonscrite avec l'aide de la Fao. Grâce à la mise au point d'un nouveau vaccin, des campagnes régionales ont été lancées dans les années 60 pour combattre la peste bovine à plus grande échelle. Après des succès remportés initialement, ces programmes ont été généralement interrompus trop tôt, permettant à la maladie de revenir en force. Les éléments scientifiques permettant de combattre la peste bovine existaient. Les succès obtenus par le passé à l'échelon régional avaient montré qu'elle pouvait être combattue efficacement. Tout le monde tombe d'accord sur le choix de la fao comme l'institution la mieux adaptée pour prendre en charge la campagne..C'est ainsi qu'en 1994 a été lancé le Programme mondial d'éradication de la peste bovine (GREP), au terme d'une série de consultations destinées à recueillir les recommandations des experts du monde entier. Les activités partaient tous azimuts: enseigner aux agriculteurs à reconnaître et à signaler la maladie; mettre en place des plans d'intervention d'urgence, des protocoles de biosécurité, et des programmes nationaux de suivi et de contrôle; former des vétérinaires à la conception et l'exécution de campagnes de dépistage sérologique, suivies d'une surveillance clinique et de la mise en place de laboratoires. Le GREP aide désormais les pays à affronter la tâche minutieuse qui consiste à établir l'éradication totale de l'agent pathogène de la peste bovine de leurs populations animales, et ce, afin de pouvoir obtenir le statut de pays indemne de l'OIE, l'organe international de certification pour les maladies animales. Entre 1994 et 2009, quelque 170 pays et territoires sont parvenus à éliminer la peste bovine et ont acquis la certification de l'OIE grâce au soutien du GREP. Début 2000, le virus de la peste bovine était circonscrit à certaines parties de l'écosystème somalien, une zone couvrant le sud de la Somalie et les parties adjacentes de l'Ethiopie et du Kenya, où on trouvait encore trace de la maladie dans le sang de certaines populations animales. La toute dernière poussée endémique de la maladie a été recensée au Kenya en 2001. A présent, le dernier réservoir semble avoir été éliminé, ouvrant la voie à un processus de certification mondiale d'éradication de la peste bovine. Synthèse Dalila B.