La Chambre des représentants a adopté, vendredi 11 décembre, le plus vaste projet de réforme du système financier américain depuis le New Deal du président Franklin Roosevelt, dans les années 1930. Ce texte de 1 279 pages, intitulé "Réforme de Wall Street et loi de protection des consommateurs", touche toutes les sociétés, banques d'affaires et de dépôts, organismes de crédit et hedge funds qui, pour la première fois, devront être dûment inscrits à la SEC, l'organisme de contrôle des marchés. "La fête est finie", avait déclaré, la veille, la présidente de la Chambre, Nancy Pelosi, s'adressant aux acteurs de Wall Street. Ce projet inclut la création d'une agence de protection des consommateurs, chargée de réguler les produits financiers jugés trop risqués. Un Conseil de surveillance des services financiers aurait pour mission de "coordonner" l'action des diverses agences de contrôle du système - dépossédant de fait la Réserve fédérale américaine (Fed) d'une partie de ses prérogatives. Ce Conseil serait en droit de récuser la commercialisation de certains produits financiers qu'il jugerait susceptibles de générer un "risque systémique". Les organismes financiers d'un certain volume devraient alimenter un fonds de 150 milliards de dollars (102,5 milliards d'euros) destiné à assumer les coûts du dépôt de bilan de l'un des leurs, le cas échéant. Le projet stipule qu'avant d'accorder un prêt, l'organisme de crédit devra avoir vérifié préalablement que l'emprunteur est solvable. Il touche encore à de très nombreux points, telles que la transparence des rémunérations des grands patrons ou les mesures à adopter pour éviter à l'avenir le renflouement d'institutions "trop grandes pour être lâchées" (comme ce fut le cas de l'assureur AIG, de Bank of America ou de Citigroup). Le texte a été adopté par 223 voix contre 202 : aucun républicain ne l'a voté et 27 démocrates ont rejoint les opposants. Il offre à la Maison Blanche une victoire et un échec. Celle-ci souhaitait que les intervenants des marchés soient tous soumis aux régulations concernant les produits hautement spéculatifs dits dérivés, qui représentent 600 000 milliards dans le monde, et que ces derniers soient régulés. Mais un lobby spécifique regroupant les banques d'affaires et de grandes sociétés (Boeing, General Electric, Coca Cola, etc.) est parvenu, jeudi, à faire adopter un amendement protégeant la plupart de ces acteurs - les hedge funds en particulier - d'un contrôle de leurs activités sur les dérivés. La Fédération des consommateurs américains a estimé que les démocrates, en reculant, ont fait preuve de "faiblesse". En revanche, le lobby bancaire s'est opposé jusqu'au bout à ce que la nouvelle agence de protection des consommateurs et le Conseil de surveillance des services financiers récupèrent des prérogatives détenues par les régulateurs des banques et des marchés : Fed, agence de régulation des banques (FDIC) et contrôleur des marchés américains (SEC). Il a échoué. Beaucoup d'analystes jugent que la Fed est la principale victime de ces modifications. L'un des instigateurs du texte, le démocrate Barney Frank, représentant du Massachusetts et président de la commission financière de la Chambre, a qualifié ce texte d'"avancée historique". Cette loi, selon lui, "mettra fin aux renflouements (des banques et organismes financiers) avec l'argent des contribuables et protégera les Américains des grandes banques peu scrupuleuses et des sociétés de crédit". Inversement, la Chambre américaine de commerce, le plus grand lobby patronal aux Etats-Unis, a exprimé sa "déception" devant une loi qui "développera la bureaucratie gouvernementale (...) et retardera le retour à la prospérité". "Ce qui me met vraiment en colère, c'est que les banques qui ont bénéficié de l'argent du contribuable sont celles qui se battent bec et ongles contre une régulation financière", a déclaré, vendredi soir, le président Barack Obama, demandant au Congrès d'"adopter au plus tôt cette réforme nécessaire". Le Sénat doit débattre de son propre projet de réforme financière. Personne n'imagine qu'une loi, rédigée après un compromis entre les textes des deux chambres, soit adoptée avant 2010. M.K