Le chef de la diplomatie européenne, Javier Solana, s'entretient mercredi avec les dirigeants syriens, une visite interprêtée à Damas, boycotté depuis des mois par la communauté internationale, comme une reconnaissance de son rôle essentiel au Proche-Orient. "Il est clair que la Syrie ne peut être isolée, au contraire elle obtient une reconnaissance de son rôle. La Syrie n'a pas changé sa politique qui s'est avérée pertinente. Ce sont les autres qui doivent modifier la leur", écrivait mardi le quotidien officiel as-Saoura, commentant la visite de M. Solana. Pour la première fois depuis près de deux ans, M. Solana est à Damas, dans le cadre d'une tournée régionale dominée par la crise politique au Liban. Lundi, la secrétaire d'Etat américaine adjointe chargée des questions humanitaires, Ellen Sauerbrey avait eu des entretiens à Damas sur les réfugiés irakiens en Syrie, avec le vice-ministre des Affaires étrangères Fayçal Meqdad. Parallèlement, des diplomates syriens et américains se sont assis samedi à la même table à Baghdad dans le cadre de la conférence internationale sur l'avenir de l'Irak. Depuis l'assassinat de l'ex-Premier ministre libanais Rafic Hariri en février 2005 à Beyrouth, un attentat dans lequel des responsables syriens ont été pointés du doigt, les Etats-Unis et l'UE ont gelé leurs relations avec Damas. Washington a retiré son ambassadeur à Damas, deux jours après le meurtre. "Les tentatives d'isoler la Syrie ont échoué. L'administration américaine souhaite engager un dialogue, même indirect avec Damas, qui pourrait s'étendre" à des questions autres que l'Irak, a estimé Elias Mourad, rédacteur en chef du journal al-Baas. Les officiels syriens lient "le changement américain" à leur égard à l'échec des Etats-Unis en Irak, ravagé par la violence. Auprès de Mme Sauerbrey, M. Meqdad a plaidé pour "un dialogue global" syro-américain sur toutes les questions, notamment une paix israélo-arabe "juste", seul moyen selon Damas de désamorcer les crises. "Nous avons dit que toutes les questions étaient liées dans la région arabe. Il est impossible de trouver des solutions durables sans un tel dialogue", a affirmé M. Meqdad. M. Solana, mandaté par les 27 Etats membres de l'UE, a déclaré à Beyrouth, première étape de sa tournée, qu'il avait pour but d'obtenir un "changement d'attitude" de la Syrie concernant le Liban. "J'aurai en Syrie des discussions franches et cordiales (...) pour voir si nous pouvons obtenir un changement d'attitude qui permettrait de renouer de bonnes relations" entre Damas et l'UE, a-t-il déclaré. M. Solana soulèvera en Syrie la question du tribunal international chargé de juger les meurtriers de Rafic Hariri. Depuis fin 2006, quatre chefs de la diplomatie européens (espagnol, norvégien, allemand, néerlandais) se sont rendus à Damas sans résultat, a souligné un diplomate occidental en poste à Damas. La récente visite du ministre belge Karel De Gucht la semaine dernière à Damas s'est terminée sur une réaffirmation par la Syrie de ses positions "inflexibles". Le ministre syrien Walid Mouallem a ainsi estimé dans une conférence de presse conjointe avec son homologue belge que son pays n'était pas concerné par le tribunal international. Il a réaffirmé son refus de déploiement de forces internationales le long de la frontière avec le Liban. Il a démenti "toutes les rumeurs" sur le passage d'armes vers le Liban en provenance de la Syrie qui soutient le Hezbollah chiite. M. De Gucht s'est dit alors "déçu" par l'attitude de Damas. La visite de M. Solana est destinée à "éviter de brouiller" le message donné par l'UE avec les récents déplacements des ministres et de ne pas permettre à la Syrie qu'elle les interprète comme un recentrage de la diplomatie européenne. "La forme a changé, mais pas le fond" qui est un message de fermeté, a expliqué le diplomate.