" L'économie algérienne enregistre un taux de croissance inférieur à la moyenne méditerranéenne pour la période 2004/2009. Face à cette situation, la structure productive actuelle rend la croissance volatile et soumise aux chocs externes ; les variations du prix du pétrole restant fortes, le prix du gaz lui étant indexé, et rendant difficile une action contra-cyclique à moyen et long terme ". C'est ce qui ressort de l'intervention de l'économiste national, Abderrahmane Mebtoul, accordée avant-hier soir à la Chaine III, de la Radio nationale. Intervenant sur les perspectives de croissance de l'année 2010 pour l'Algérie, d'autant plus que le ministre des Finances a annoncé un taux de croissance hors hydrocarbures de 10%, l'économiste dira que ce taux est totalement " artificiel ", car l'économie nationale est aujourd'hui, selon lui, caractérisée par une participation des entreprises inférieure à 2 ou 3 % hors hydrocarbures du total du produit intérieur brut ( PIB), et ce malgré une récolte exceptionnelle. " Lorsqu'on invoque un taux de 10%, il faut être plus précis, car le tout qui est tiré par le BTPH dont les infrastructures via la rente des hydrocarbures, ne partageant donc pas l'optimiste du ministre des Finances ", dira Mebtoul plus explicite. Selon Mebtoul, cette performance est dérisoire pour l'Algérie comparé à la dépense publique qui sera clôturée entre 2004/2009 à plus de 200 milliards de dollars, et, comparé aux dépenses sur la population, des pays similaires en voie de développement, dépensant le 1/3 de l'Algérie, ont des taux de croissance plus importants. Concernant le retour au patriotisme économique affiché par l'Etat, Mebtoul dira qu'il n'est pas contre un secteur public performant qui s'insère dans le cadre de la logique des valeurs internationales. Pour Mebtoul, malgré les assainissements répétés des entreprises, qui ont coûté à l'Etat plus de 3000 milliards de dinars entre 1991/2009 ( 300 000 milliards de centimes pour un effectif inférieur à 550 000 personnes pour tout le secteur économique public), auquel s'ajoutent 325 milliards de dinars pour la loi de finances 2010, la majorité de ces entreprises sont revenues à la case départ. "Il s'agit d'aller vers la nouvelle économie, et il semble que la présidence de la République a conscience de cette situation, afin de favoriser la création d'un nouveau tissu industriel rentrant dans le cadre de la substitution d'importation adaptée aux nouvelles réalités mondiales", affirmera Mebtoul. Car pour répéter le président du CNES, ajoutera, Mebtoul, miser uniquement sur les infrastructures, "l'Algérie va droit au mur". C'est que les infrastructures, qui ont absorbé plus de 70% des ressources financières entre 2004/2009, ne sont qu'un moyen, la véritable création de richesses devant relever de l'entreprise y compris les services qui ont un caractère de plus en plus marchand. "Il faut donc appliquer les directives du président de la République énoncées lors de la rentrée universitaire à Sétif, qui a mis l'accent sur la revalorisation du savoir et la lutte contre la corruption, discours qui a suscité beaucoup d'espoir. De ce fait, toute politique fiable doit insérer la politique salariale, presque inexistante en Algérie se limitant à des transferts de rente, dans le cadre d'une vision globale revalorisant le travail et l'intelligence comme montré dans le dernier rapport du Conseil économique et social ", expliquera l'expert international. Concernant l'inflation, l'économiste national dira que malgré la baisse des prix au niveau mondial, les Algériens assistent à une chute continue de leur pouvoir d'achat due à la faiblesse persistante du dinar. En 10 mois, la monnaie nationale a perdu près de 25% de sa valeur face à l'euro et 15% par rapport au dollar, un euro s'échangeant à plus de 120 dinars sur le marché parallèle contre 103 à 106 dinars sur le marché officiel, donc ni les consommateurs ni les importateurs de matières premières n'ont profité de la baisse des prix au niveau mondial (déflation), ne pouvant invoquer l'inflation importée. Car, les causes principales du retour à l'inflation qui entraîne une détérioration du pouvoir d'achat de la majorité des Algériens sont premièrement, l'inefficacité de la dépense publique dont la mauvaise gestion et l'accroissement des dépenses improductives, puis les assainissements répétés des entreprises sans corrélation, et enfin la salarisation qui est en nette baisse, étant passée en 20 ans d'environ de 50% à moins de 20% en 2008/2009 dans la structure du produit intérieur brut contre une moyenne supérieure à 50/60% dans les pays développés et émergents, la baisse de la salarisation dans la structure du revenu en Algérie s'étant faite au profit des indépendants et de couches rentières avec une concentration excessive. En ce qui concerne, par ailleurs, l'adhésion de l'Algérie à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), Mebtoul dira qu'avec la nouvelle orientation de la politique économique actuelle, qui semble privilégier le tout Etat, ce n'est pas pour demain car allant a contrario de toutes les règles qui régissent l'OMC. L. C.