Des communautés africaines contrôlées par la mafia et vivant à la périphérie des villes, dans des conditions dégradantes, constituent la majeure partie de la main d'œuvre agricole. Il y a une semaine, une bombe a explosé devant l'entrée du tribunal de Reggio Calabria. Il n'y a pas eu de revendication mais ce n'était pas nécessaire: tout ce qui se passe d'illégal en Calabre dérive de la Ndrangheta, la mafia locale, obscure et très puissante. On a parlé d'avertissement et compris qu'une nouvelle phase s'ouvrait dans la guerre entre l'Etat et la criminalité organisée en Italie. Jeudi 7 janvier dans la nuit, non loin de Reggio Calabria, à Rosarno, la révolte des immigrés clandestins a éclaté. L'agression de deux jeunes africains blessés à la carabine à plomb par deux jeunes calabrais qui leur ont tiré dessus par jeu ou par provocation a mis le feu aux poudres. La communauté des immigrés africains s'est rebellée, envahissant les rues de la petite ville. C'est ainsi que les Italiens ont découvert une réalité que beaucoup ignoraient: l'existence de communautés africaines vivant à la périphérie des centres urbains de l'Italie du Sud dans des conditions inhumaines et qui constituent la majeure partie de la main d'œuvre agricole. La révolte a déclenché une dure confrontation, sans pitié, incontrôlable, entre les habitants de Rosarno et les immigrés africains. Bagarres, violences, pillages, guet-apens et coups de feu: au moins trois immigrés ont été blessés par des coups de fusil tirés par les habitants. La guerre silencieuse entre les deux communautés qui durait depuis des mois, voire des années, a éclatée au grand jour. Les africains étaient relégués aux confins de la ville, dans une vieille usine abandonnée à la périphérie du centre habité. Sans services, sans hygiène, dans la promiscuité et la précarité la plus totale. Le ministre de l'Intérieur Maroni a envoyé des contingents de policiers et de carabiniers pour rétablir l'ordre public, et environ 48 heures plus tard un calme relatif est revenu. Trois cents immigrés ont été immédiatement transférés à Crotone, dans une autre partie de la Calabre où se trouve un centre d'accueil. Trois cents autres seront transférés dans les prochaines heures. Maroni, qui est membre de la Ligue du Nord, le parti qui s'est distingué par des expressions et des politiques souvent à la limite du racisme, s'est placé sans nuance du côté des citadins de Rosarno en dénonçant la trop grande liberté dont auraient bénéficié les clandestins. La phrase a provoqué une forte polémique dans l'opposition et aussi au Vatican qui, à propos des migrants, invite toujours le gouvernement comme les chrétiens à l'accueil et à la solidarité. "Environ 700 étrangers ont été évacués vers Crotone et Bari", deux autres villes du sud de l'Italie, "et 200 immigrés supplémentaires partiront dans le courant de la nuit", a expliqué le préfet de police Mario Morcone, tout en précisant que "la situation revient lentement à la normale". Signes du retour au calme, les barricades érigées par la population ont été levées, l'occupation de la mairie par des habitants a pris fin et les magasins ont ouvert dans la matinée. Le dernier bilan des violences à Rosarno et dans ses environs depuis jeudi est de 67 blessés, à savoir 31 étrangers, 19 policiers et 17 habitants italiens de cette petite ville de 15.000 âmes. La majorité n'ont subi que des contusions ou des blessures légères. Mais six immigrés sont encore hospitalisés, parmi lesquels deux grièvement blessés vendredi soir à coups de barres de fer.