Après dix ans de lutte contre les pesticides, ils restent le principal obstacle à la biodiversité des milieux gricoles. C'est la conclusion de neuf universités européennes sur l'impact de l'agriculture intensive sur les espèces sauvages. 50% des plantes sauvages et un tiers des oiseaux nicheurs et des carabes (des coléoptères prédateurs) ont disparu avec le doublement de la production agricole. Le groupe d'écologie des plantes et de conservation de la nature de l'université néerlandaise de Wageningen, en association avec huit autres universités européennes, fait ce triste constat. Après l'analyse de l'impact de l'agriculture intensive sur la biodiversité des milieux agricoles de l'Union européenne et sur les potentialités de la lutte biologique, leur conclusion est sans appel. Plus précisément, parmi tous les facteurs étudiés (uniformisation des paysages, disparition des milieux incultes…), ce sont les insecticides et les fongicides qui se révèlent être les principaux fautifs. Autre conséquence de ces pesticides, les capacités de lutte biologique, qui permettraient de se passer en partie de ces produits phytosanitaires, sont amoindries. Si les insectes, les oiseaux, les reptiles sont impactés par ces substances, leur rôle d'auxiliaires des cultures est mécaniquement amoindri. Malgré une meilleure situation en zone d'agriculture biologique, les effets positifs sont limités car les auxiliaires exploitent souvent un large territoire. Une étude éditée par l'institut Carnegie de Washington et conduite par Jennifer E. Fox (Center for Ecology and Evolutionary Biology, University of Oregon) et John A. McLachlan (Center for Bioenvironmental Research, Environmental Endocrinology Laboratory, Tulane University, New Orleans), démontre que l'utilisation de pesticides, et en particulier de certains produits phytosanitaires, ralentit la croissance des plantes en empêchant la fixation de l'azote et freinant considérablement la fabrication des acides aminés qui leur sont indispensables. Les 20 dernières années on connu des diminutions importantes du volume de certaines récoltes, semblant paradoxalement inversement proportionnelles à l'utilisation de plus en plus abondante d'engrais, et qui ne peuvent pas être complètement expliquées par les modèles écologiques actuels. Les plantes vivent en effet en symbiose avec des bactéries spécifiques, les rhizobiums, qui fixent l'azote atmosphérique de l'air et l'emploient dans le processus de fabrication des acides aminés nécessaires à leur développement et à leur croissance. Or, les chercheurs ont constaté au cours de multiples expériences in vitro que plus de 20 substances couramment employées en agriculture se lient aux récepteurs des rhizobiums et les empêchent de communiquer avec la plante, réduisant la fixation d'azote. Suivant l'équipe scientifique, cela expliquerait pourquoi, notamment, le soja voit sa croissance ralentir, même en présence de doses importantes de fertilisants. Dans certains cas, c'est directement la photosynthèse qui est affectée, avec les mêmes implications négatives. L'équipe souhaite maintenant entreprendre des recherches en plein champ, afin de déterminer plus précisément quelles molécules interviennent dans le processus de ralentissement de la croissance. La problématique est en tout cas complexe. Une intensification sans précédent du rendement agricole au niveau planétaire est nécessaire au cours des 50 années à venir, afin de faire face au doublement de la demande en nourriture prévue face à l'augmentation de la population. Bien que le taux de rendement global des graines ait doublé au cours des quatre dernières décennies, en grande partie grâce à l'utilisation d'engrais azotés synthétiques, de pesticides et d'une irrigation plus développée, cette progression trouve actuellement ses limites et les rendements repartent à la baisse, notamment en raison des incidences sur l'environnement des pratiques agricoles modernes.