Qu'est-ce qu'une zone humide ? C'est un endroit où l'on peut trouver à boire et à manger. Du moins, pour le canard sauvage, la poule sultane, le butor étoilé ou le héron pourpre. Les espèces les plus variées s'y donnent rendez-vous, le temps d'une halte, histoire de reprendre leur souffle pour s'envoler à nouveau vers des contrées plus chaudes. Ou, lorsque la bête est moins douillette, pour y passer l'hiver. Les roseaux abritent les oiseaux des regards indiscrets, le temps de pondre un œuf et ouvrir ainsi la voie à une nouvelle génération. L'eau des marais ou des lacs sert de chaumière aux poissons en tout genre, rivalisant, quand la saison s'y prête, avec les batraciens. Cet espace melting-pot, hier de 200 millions d'hectares, aujourd'hui de 80 millions, cohabite avec déversement d'eaux usées et dépotoirs industriels. Le flamant rose enfonce les pattes dans la peinture et les crapauds dansent avec les sachets poubelles. Les sites, reconnus pour leur biodiversité, n'ont plus rien de bio, mais ont acquis une diversité en nitrate, pesticides et micro-organismes. La convention Ramsar, en application depuis 1982, n'a pas empêché la déperdition de cet écosystème. L'espace se réduisant, des espèces végétales sont à bout de souffle, usées d'être arrosées de produits chimiques. Les oiseaux, rapaces et mammifères boudent et déménagent là où la nature est plus clémente. Certaines espèces meurent. Mais l'homme qui a oublié qu'il est au sommet de la chaîne alimentaire regrettera le temps où le crapaud croassait sous sa fenêtre et où les bandes d'oiseaux zébraient son ciel. Les lacs dévastés et les marais altérés, il subsistera une zone humide contre laquelle l'homme ne pourra pas lutter : l'afflue de larmes sur ses joues.