Changement de décor au festival international des arts de l'Ahaggar : le rendez-vous artistique ne se passe plus au centre-ville de Tam, mais à Abalessa, à 80 km de la capitale de l'Ahaggar. Mercredi, au troisième jour du festival, tous les festivaliers ont décampé de Tam, pour rejoindre le campement installé dans un terrain vague à Abalessa. Ici la nature ne donne rien sauf ses généreuses couleurs qui se déversent à partir de 18h sur quelques massifs qu'on voit de loin, dont celui où est enterrée la légendaire Tin Hinan, mère et reine des Touareg. Le campement semble être une reproduction fallacieuse d'une tribu touarègue : une trentaine de tentes typiques sont dressées pour recevoir des groupements d'associations, représentant chacune un folklore local. Comme c'est la fête, hommes et femmes qui patientaient sous leurs tentes, étaient tous bien sapés. Les femmes surtout ont sorti leurs gros bijoux et habit traditionnel Takenast, ample tissu qui les couvre du soleil tandis que les hommes ont arboré leur basane neuve. Ici et là, sous les tentes aux allures de vitrines, un groupe jouait de l'Imzad, un autre faisait et refaisait du thé, un autre s'amusait avec un jeu de société semblable au jeu de dames (sauf qu'à la place des dames), ils utilisaient des cailloux), un autre vendait très cher des bijoux (une paire de petite boucle : 2800 DA), un autre ne faisait presque rien … Peu après l'arrivée des festivaliers, le centre du campement était envahi par la population alentour que l'administration locale a fait venir dans des bus, sans payer un sou. Curieux de tout, petits et grands faisaient le tour des tentes et les plus hardis osaient des questions banales : " Vous faites quoi ça ? " demandait un jeune pauvrement vêtu, à un étudiant des Beaux-Arts d'Alger, qui malaxait de la gadoue pour préparer un four. A la tombée de la nuit, une immense ronde s'était formée autour de la scène que devait animer une excellente conteuse, Sabine Pakora et son griot qui racontait si bien une fable africaine sur les percussions de son griot, le public ne comprenait rien. Moussa Koïta " fabulait " en français, le public amusé ne pigeait rien. " Elle est super, mais je n'ai rien compris " disaient la plupart des dames. Patient, le public est resté tard dans la nuit, malgré la faim, l'éloignement, la fatigue. Il a longuement applaudi le concert de Tindé et Jakmi d'Abalessa, littéralement dansé sur les chants du groupe El Maya de Béni Abbès. Dans ce qu'il a de plus lyrique, ce festival est certes destiné à la population locale, mais le reste du programme principalement universitaire, semblait être une anomalie dans cet immense désert où il est aberrant de parler des arts de l'Ahaggar dans une salle lugubre et vide. Il aurait été si vivant, si florissant de voir, de toucher ces arts en écoutant les autres les raconter. Beaucoup de festivaliers étaient outrés pour ce campement où il fallait attendre plusieurs heures pour dîner avec un bon à la main, se retenir pour éviter les sanitaires sans eau, veiller jusqu'à la fin de tout pour reprendre très tard dans la nuit le bus pour Tam. Le trajet Abalessa -Tam, dure plus d'une heure de route. Epuisé, dépité, personne ne parlait à personne, dans le transport qui avançait à vive allure dans la nuit. De notre envoyée spéciale à Tamanrasset Yasmine Ben