Docteur Abderrahmane MEBTOUL Expert International Professeur d'Université en management stratégique Dans sa récente étude, IHS Global Insight, bureau d 'études de consulting US ayant un chiffre d'affaires inférieur à 844 millions de dollars en 2009 selon son bilan diffusé sur Internet, qui, en général, comme tout bureau d'études agit sur demande d'un organisme ou un gouvernement et donc étant rémunéré, (qui a commandé ce rapport ?), le bureau dirigé par Jerre.L. Stead, Président et chef de la direction depuis le 1er décembre 2000 après s'être retiré de Ingram Micro en mai 2000, où il a servi en tant que Président et, selon son site, sur le plan opérationnel, l'économiste en chef serait Nariman Behravesh, a réalisé une étude portant bilan et perspectives de l'économie algérienne horizon 2014, largement reproduite par l'agence de presse algérienne APS le 16 février 2010. Selon cette étude, le produit intérieur brut par habitant serait de 4 570 dollars en 2010, 4 864 dollars en 2011, 5 337 dollars en 2012, 5 823 dollars en 2013 et enfin 6 266 dollars en 2014, contre 4 424 dollars/habitant en 2009. Le taux de croissance de l'économie passerait de 2% en 2009, à 3,1% en 2010, à 3,5% en 2011 et à 3,6% entre 2012 et 2014 et le produit intérieur brut en valeur nominale de 154,4 milliards de dollars en 2009 à 161,9 milliards de dollars en 2010, à 174,9 milliards de dollars en 2011, à 194,7 milliards de dollars en 2012, à 215,6 milliards de dollars en 2013 et à 235,3 milliards de dollars en 2014, reconnaissant que le tout sera tiré par les hydrocarbures. Quant aux réserves de change, elles évolueraient à 168,1 milliards de dollars en 2010, à 176,6 milliards de dollars en 2011, à 184,8 milliards de dollars en 2012, et à 190,8 milliards de dollars en 2013. Sur le plan de la hausse des prix et social, l'inflation passerait de 5,7% en 2009 à 3,8% en 2010 et à 3,3% en 2011 et le taux de chômage en Algérie devrait baisser pour passer de 10,2% en 2009 à 10,1% en 2010, à 9,9% en 2011, à 9,5% en 2012, à 9% en 2013 et à 8,9% en 2014. En conclusion, face à ces indicateurs, le rapport conclut que les investissements directs étrangers (IDE) à moyen et long termes, devraient augmenter. Que penser de cette analyse relativement optimiste et qui me semble déconnectée tant des réalités locales qu'internationales car, il faut replacer ces données dans leurs véritables contextes. Je recense huit limites sérieuses à ce rapport. 1.-Premièrement que représente un produit intérieur brut algérien de 160 milliards de dollars en moyenne à prix constants en 2009 ( ayant été évalué à 135 milliards de dollars en 2007 par le FMI et la banque d'Algérie ) dont 45% constitués par les hydrocarbures par rapport aux exportations annuelles allemandes de plus de 1500 milliards de dollars , du PIB de la Corée du Sud de 1024 milliards de dollars en 2008(plus de 14 fois le PIB hors hydrocarbures Algérie) ou de celui des USA qui a été clôturé à 14585 milliards de dollars (plus de 210 fois le PIB hors hydrocarbures Algérie), PIB reposant sur les entreprises créatrices de richesses. Car, les économistes calculent le taux de croissance comme la somme des valeurs ajoutées des différentes branches par rapport à l'année qui précède. Outre qu'il faille savoir qu'un accroissement par rapport à un taux de croissance faible de l'année précédente (ce qui est le cas de l'Algérie) donne toujours en valeur relative un taux de croissance faible même si le taux est supérieur l'année qui suit. Par ailleurs, la technique connue des économistes - triangularisation du tableau d'échange interindustriel- permet de démontrer que les hydrocarbures irriguent presque l'ensemble de l'économie et le segment hors hydrocarbures l'est à plus de 80%. Sur le total hors hydrocarbures de taux de croissance de 8/9% selon le Premier ministre, de 10% selon le ministre des Finances, 11% selon le conseil économique et social (qui dit mieux alors qu'en juin 2009 l'officiel invoquait 5/% et comment est-on, passé du double en 5 mois ?) déclarations contradictoires à quelques semaines d'intervalle, restant aux seules véritables entreprises une participation réelle inférieure à 20% pour 2009 tenant compte de l'accroissement de la valeur ajoutée agricole toujours selon des facteurs exogènes (bonne pluviométrie et non d'une bonne gestion), donc un PIB relevant des entreprises créatrices de richesses à environ 30/35 milliards de dollars US pour 2009, et il en sera de même entre 2010/2013 car il faut du temps, si la volonté politique existe face aux pressions du lobby des importateurs, pour mettre en place une production hors hydrocarbures . 2.-Deuxième faiblesse liée au premier constat, cette performance mitigée est dérisoire comparée à la dépense publique dont les prévisions officielles 2004/2009 sont passées successivement de 55 milliards de dollars en 2004, à 100 milliards de dollars en 2005 (inclus le Sud et les hauts-plateaux) puis à 140 milliards de dollars fin 2006 et qui a été clôturée entre 2004/2009 à 200 milliards de dollars. Comparé aux dépenses sur la population, des pays similaires en voie de développement dépensant le 1/3 de l'Algérie ont des taux de croissance plus importants. Cela est intiment lié à la bonne gouvernance et l'efficacité des institutions en Algérie en référence aux institutions mises ou qui devaient être mises en place dans le cadre de cette difficile transition vers l'économie de marché qui ne saurait signifier anarchie mais un Etat régulateur fort, fort que par la moralité de ses hommes et de ses institutions, évitant de nouvelles commissions ou des observatoires qui ont montré leurs inefficacités, comme cette solution de facilité de changer de lois à chaque problème. Aussi ce rapport aurait dû s'appesantir sur les moyens pour accroître l'efficacité du nouveau programme de dépense publique de 150 milliards de dollars entre 2010/2013. Car il y a lieu de penser à l'entreprise et la valorisation du savoir, les infrastructures ayant absorbé plus de 70% de la dépense entre 2004/2009, n'étant qu'un moyen. Il y a lieu d'éviter de privilégier le volontarisme étatique et les relations personnalisées, sans penser à la mise en place d'institutions de suivi et de contrôle efficaces, le risque inévitablement étant la mauvaise gestion et à la corruption que relate la presse nationale. 3.-Troisièmement, l'ensemble des organismes internationaux prennent de plus en plus en compte l'indice du développement humain IRH beaucoup plus fiable que le produit intérieur brut trop global qui voile les disparités sectorielles et structurelles. Or, dans son rapport du 05 octobre 2009 le PNUD rétrograde l'Algérie de 10 places par rapport à 2008 reculant par rapport aux années passées, dans la rubrique moyen (selon les critères, niveau très élevé, élevé, moyen et faible) avec ce paradoxe un Etat riche mais une population de plus en plus pauvre, car avec un PIB hors hydrocarbures la position reculerait d'environ de 20 points la ramenant à la 124ème position soit parmi les pays les plus pauvres de la planète. Aussi, invoquer des taux fantaisistes de taux de croissance sans expliquer les raisons comme pour le taux chômage ( taux de ce rapport reprenant les données du gouvernement algérien sans analyse objective et comparaisons internationales), alors que le taux officiel inclut les sureffectifs des administrations / des entreprises publiques, les emplois temporaires de 3 à 5 mois au titre de la solidarité nationale et d'une manière générale tous les emplois fictifs improductifs dont la preuve est cette somme faramineuse des transferts sociaux mal gérés et mal ciblés de 12, 5% du PIB pour 2010. Comme le taux invoqué dans ce rapport est contredit par le récent rapport de la Banque mondiale 2009 qui vient de conclure à un taux de chômage pour l'Algérie de 25% non compris la sphère informelle. 4.-Quatrièmement, le rapport part d'une analyse linéaire reposant le développement de l'Algérie uniquement sur les hydrocarbures avec des exportations croissantes (hypothèse de 2 millions de barils par jour de pétrole et de plus de 85 milliards d'exportation de mètres cubes gazeux) avec un cours du baril dépassant les 90 dollars le baril, expliquant les données sur les réserves de change entre 2012/2014. Et donc de la non prise en compte de l'épuisement inéluctable des réserves des hydrocarbures en Algérie, que des nouvelles technologies de découvertes du gaz non conventionnel qui ont fait chuter les prix du gaz sur le marché libre d'environ 30% et cela va durer au minimum selon les experts 5 années, risquant d'avoir un impact sur les contrats à moyen terme et tous les projets gaziers, alors que ce segment représente le 1/3 des recettes en devises de l'Algérie. Or, les réserves de pétrole en Algérie sont estimées à 1% des réserves mondiales (durée de vie 16 ans) et 3% pour le gaz (environ 25 ans) tenant compte de la forte consommation intérieure. Car, il faudra être nuancé dans l'appréciation comme celle des découvertes de gaz puisque pour le pétrole les découvertes sont insignifiantes, car on peut découvrir des milliers de gisements ( chaque Algérien a sous sa maison des réserves de gaz mais à quelle profondeur) mais non rentables financièrement , à des coûts faramineux car fonction de quatre facteurs , du coût d'exploitation, de la durée de vie du gisement, des découvertes technologiques dans les énergies fossiles et enfin des énergies substituables dont les énergies renouvelables. Donc ce rapport part de l'hypothèse du retour à une croissance accélérée de l'économie mondiale reposant essentiellement sur les hydrocarbures et donc d'une demande croissante ce qui m'amène à la cinquième limite de ce rapport.