Docteur Abderrahmane MEBTOUL Expert International Professeur d'Université en management stratégique 5.-Cinquièmement, concernant les perspectives de l'économie mondiale, les séquelles de la crise économique mondiale ne disparaîtront pas de sitôt malgré le cycle de reprise très timide au demeurant encore fragilisé. Ni les réunions du G20 de Londres ou de Pittsburgh ne se sont attaquées aux trois fondamentaux de la crise, la prédominance de la sphère financière sur la sphère réelle, la distorsion entre les profits spéculatifs et les salaires en baisse, et l'urgence d'une nouvelle régulation de l'économie mondiale du fait de l'interdépendance accrue des économies et le poids des pays émergents qui bousculent progressivement l'échiquier géopolitique. Dans son rapport publié courant janvier 2010, la banque mondiale (BM) note qu'on ne peut pas exclure l'hypothèse d'une rechute en 2011, s'il advenait que la dépense publique se ralentisse et que la croissance ne soit pas reprise par l'entreprise privée, la croissance dans ce cas devant ralentir au second semestre 2010 à mesure de l'atténuation de l'impact des mesures de relance budgétaires et monétaires sur la croissance et de la fin du cycle des stocks actuels. Pour preuve la faible reprise de la sphère réelle, le nombre de sans-emploi dans le monde ayant atteint près de 212 millions en 2009, en raison d'une hausse sans précédent de 34 millions par rapport à 2007, à la veille de la crise économique mondiale, a annoncé le Bureau international du Travail (BIT) dans son rapport annuel sur les tendances mondiales de l'emploi publié fin janvier 2010. Comme on ne peut exclure le retour à une inflation rapide mais fait nouveau , conséquence à la fois de la combinaison cette fois de bulles financières et de bulles budgétaires ( endettement excessif des Etats à travers des déficits budgétaires croissants ) et l'expérience récente de la Grèce en faillite devrait être méditée. Tout en évitant ce pronostic irréaliste du moins à court terme , selon mon point de vue, du moins durant la période 2010/2020, de penser que la Chine avec un produit intérieur brut ( PIB) légèrement supérieur à l'Allemagne , alors qu'il faille diviser le PIB sur la population totale pour analyser objectivement la productivité et la demande solvable malgré un important marché intérieur, permettra de suppléer à la faiblesse de la croissance de l'économie mondiale. 6.-Sixièmement , ce rapport ne prend pas en compte suffisamment les fluctuations monétaires notamment la dépréciation du dollar vis-à-vis de l'euro et leurs impacts sur l'économie algérienne alors que leur volatilité, est un facteur important tant pour le cours des hydrocarbures ( 98% des recettes en devises de l'Algérie en dollars )et les réserves de change libellés en dollars, amenuisant leur pouvoir d'achat lorsque les importations se font en euros ou les placements en bons de trésor en dollars , cette donnée stratégique ayant un impact sur les balances de paiement de l'Algérie impliquant d'analyser sérieusement le duo de la stratégie américano-chinoise face à la cotation dollar et de se poser cette question : stratégie convergente ou divergente américano- chinoise . Concernant justement les bons de trésor représentant environ 45 % de la dette totale externe des Etats-Unis, ils sont concentrés surtout au niveau de la banque centrale de Chine. Au mois de juin 2009, sur 2000 milliards de dollars de réserves de change chinois dont une grande partie libellée en dollars , la Chine détient 712 milliards de dollars de bons du Trésor (selon les statistiques américaines). Malgré certaines déclarations contre l'hégémonie du dollar, la Chine continue à être un gros acheteur de bons du Trésor. Ainsi, la crise a rendu de facto l'économie américaine encore plus dépendante de la Chine et la Chine plus dépendante des USA car toute contraction de la demande affecte les exportations chinoises. Mais est ce que cette situation pourra continuer à l'avenir ? Tout dépendra de l'attitude de la Chine, premier créancier des Etats-Unis et tout le problème est le suivant, les chinois continueront-ils à acheter des bons du Trésor des Etats Unis où s'orientera t- elle vers les émissions des droits de tirages spéciaux émis récemment par le FMI ? 7.-Septièmement, ce rapport ne prend pas en compte un autre facteur stratégique pour l'Algérie car pour avoir une appréciation objective, il faut analyser non pas la balance commerciale mais surtout la balance des paiements tenant compte des mouvements de capitaux dont les transferts de dividendes et de services. Ainsi l'on assise à un déficit croissant de la balance des services, qui tend à se substituer à l'ancien service de l'endettement( service de la dette ) , dépendance plus grave ,ce segment immatériel se prêtant plus facilement à la surfacturation, traduisant le paradoxe, exode de cerveaux algériens et appel croissant (solution de facilité de bon nombre de ministères) à l'assistance étrangère . Ce poste a plus que doublé par rapport à 2006/2007 passant d'une moyenne de 5/6 milliards de dollars à plus de 11 milliards de dollars entre 2008/2009, les secteurs les plus concernés étant selon le rapport de l'AGEX 2009 principalement les importations de services au titre des infrastructures publiques, c'est-à-dire dans le cadre de la réalisation du budget d'équipement de l'Etat, et par des entreprises du secteur des hydrocarbures représentent l'essentiel des services importés. 8.-Huitièmement en pronostiquant une dynamique des investissements directs étrangers en Algérie, ce rapport omet des données stratégiques, comme la bonne gouvernance, la visibilité et cohérence dans la démarche de la politique socio-économique globale évitant l'instabilité juridique, et dans quel segment , car ce qui intéresse l'Algérie c'est le segment hors hydrocarbures créateur de valeur ajoutée à travers l'accumulation du savoir faire technologique et organisationnel,(un partenariat gagnant/gagnant). Et surtout la prise en compte des stratégies des firmes internationales, les entreprises étant mues par la seule logique du profit n'existant pas de sentiments dans les affaires, ces derniers investissant que dans les grands ensembles, l'ère des micro-Etats étant révolu. Plus de 70% des IDE se réalisent entre les pays développés selon les données de la CNUCED 2009 et plus de 50% sur les 25% restant se faisant au niveau de grands pays comme le Brésil, l'Inde ou la Chine. Aussi pour le cas de notre espace, ce rapport aurait du analyser, comme récemment celui de la banque mondiale 2009 qui a mis en relief nettement, que l'intégration maghrébine au sein de l'espace euro-méditerranéen et arabo-africain permettrait une augmentation de 2 à 3% du taux de croissance de la région. Or le total du produit intérieur brut de l'ensemble de l'Union du Maghreb Arabe ( UMA) ne dépasse entre 2008/2009 380 milliards de dollars pour une population approchant 100 millions d'habitants et les échanges intra magrébins ne dépassant pas 3%. Contre un PIB dépassant 4.400 milliards de dollars pour le Japon, qui a une population un peu supérieure de 127 millions En conclusion, d'une manière générale, la situation étant ce qu'elle est, l'Algérie est une économie totalement rentière dans le sens négatif du terme, exportant uniquement des hydrocarbures à l'état brut ou semi brut et important presque tout en n'ayant pas une politique claire de substitution d'importation rentrant dans le cadre des avantages comparatifs mondiaux tenant compte du couple coût/qualité. Cela renvoie à l'urgence des deux piliers du développement du XXIème siècle à savoir une meilleure gouvernance liant efficacité économique et une profonde justice sociale. L'adaptation aux nouvelles mutations mondiales et l'atténuation de ces différents scandales financiers qui touchent tous les secteurs devient urgent car provoquant une névrose collective auprès de toute la population algérienne. Cela implique la valorisation du savoir et donc d'une réorientation de toute la politique socio-économique. Aussi, la faiblesse centrale de ce rapport est de s'appesantir sur des agrégats globaux de peu d'utilité pour toute politique concrète, l'amélioration du niveau de vie contenu dans ce rapport étant totalement biaisée, car ne calculant pas la répartition du revenu national entre les différentes couches sociales notamment de cette concentration excessive du revenu national au profit d'une minorité rentière destructrice de richesses. Or, l'objectif stratégique de l'Algérie est de préparer la production et les exportations hors hydrocarbures évitant de se focaliser sur cette rente éphémère qui avec les scandales financiers actuels et la corruption dont j'ai souligné fortement les dangers dans plusieurs contributions parues depuis plus d'une année dans les principaux quotidiens algériens. J'ai proposé une gestion démocratique de la gestion de Sonatrach et de la distribution de la rente des hydrocarbures (octroi des crédits par le système bancaire) et des réserves de change propriété de tous les Algériens par un débat constructif annuel sous la haute autorité du président de la République. Corruption que certains politiques veulent banaliser, arguant qu'elle a toujours existé depuis que le monde est monde mais oubliant que sous d'autres cieux elle se combat efficacement grâce aux institutions crédibles, représentant une part négligeable du produit intérieur brut alors qu'en Algérie qui est toujours un pays sous développé ne reposant que sur la rente, elle a atteint une ampleur inégalée qui menace la sécurité du pays. En bref, le rapport de IHS Global Insight bureau d 'études de consulting américain sur l'évolution de l'économie algérienne entre 2010/2014 est un rapport fantaisiste.