Après Peindre l'Orient, un récit édité en 2003 chez Zulma, Rachid Boudjedra récidive avec, Hôtel Saint- Georges, un récit double dans lequel il revient sur la base d'une histoire vraie sur la guerre d'Algérie. Un thème qu'il a très peu exploré dans sa formidable œuvre, pour ne pas dire jamais sauf dans Le démantèlement un ouvrage signé en 1982 chez Denoël. Le roman fraîchement sorti aux éditions de l'Ouest, Dar El Gharb fonctionne sur deux récits. Ecrit en langue française, ce livre qui ne dépasse pas les 200 pages, revient sur une histoire véridique qui s'est déroulée dans l'un des plus anciens hôtel d'Alger, Le Saint- Georges. L'Hôtel Saint-Georges est l'histoire de Jean, un ébéniste français appelé sous les drapeaux durant la guerre d'Algérie. Il se retrouve à Alger pour fabriquer des cercueils destinés à rapatrier les dépouilles des soldats français. C'est ainsi qu'il découvre les horreurs de la guerre d'Algérie. Pour noyer son impuissante détresse, il fréquente le bar du Saint-Georges où il prend de la bière. En ce lieu, il fait la connaissance d'une jeune Algérienne, Nabila, étudiante en médecine. Elle y travaille comme serveuse. Envoyé comme soldat en Algérie, Jean découvre la torture et toutes les exactions pratiquées par l'armée coloniale. Sa rencontre avec Nabila qui travaille le soir pour gagner sa vie et activant pour le FLN, le bouleversera et le rapprochera davantage de cette terre d'Algérie qu'il connaissait très peu. Selon l'auteur du livre, cette histoire lui a été racontée par la fille de cet ébéniste qui, employé comme fabricant de cercueils, va découvrir cette guerre horrible, atroce qu'il va lui-même dénoncer. Pour Rachid Boudjedra, cette œuvre met en lumière, entre autres, certains engagements au prix fort de Français pour l'indépendance de l'Algérie. Autrement dit, ce roman cette histoire est un regard sur la prise de position des Français pour la juste cause algérienne ainsi que leur dénonciation de cette guerre qui était à leurs yeux injuste. Pour Boudjedra, régler des comptes avec cette guerre signifie “ tenter de la comprendre, d'autant que notre révolution était malade de l'intérieur ”. Cela dit, “ la création est subjective. Mais dans mes romans, je ne donne pas de leçons ni de solutions à des problèmes, comme j'évite d'émettre des slogans ”. “ L'homme assiste à la décomposition de l'armée française et à sa propre décomposition (...). Il comprend ainsi que toute guerre injuste se retourne inexorablement contre ceux qui la font'', dira l'auteur à propos de ce 15e roman. Ce roman qui comprend 15 chapitres très courts dans lesquels chaque personnage parle des autres personnages. “Comme dans certains de mes romans, j'ai évité les longues phrases, les termes complexes que j'aime bien pourtant. J'ai été simple, sobre car le sujet lui-même était douloureux ”, a révélé Boudjedra qui a “ utilisé le même style ” que dans ses autres romans. Hôtel Saint-Georges est en cours de traduction en langue arabe, une langue que l'auteur apprécie particulièrement pour son aspect poétique et sa richesse lexicale. L'œuvre de Rachid Boudjedra, riche de 24 créations, dont 15 romans, des recueils de poésie et des pièces de théâtre, est traduite en 34 langues. Rachid Boudjedra est né en 1941 à Aïn Beïda (Constantinois), et fait, en tant qu'interne ses études secondaires à Tunis. Au maquis dès 1959, Boudjedra fut blessé durant la guerre. Il prendra son balluchon pour les pays de l'Est, puis l'Espagne, où il représente le FLN. Il rentre au bercail en 1962. Militant, syndicaliste, l'étudiant Boudjedra obtiendra une licence de philosophie à La Sorbonne en 1965. Professeur à Blida, il a vécu en France de 1969 à 1972, puis au Maroc où il enseigne à Rabat jusqu'en 1975. Il retourne en Algérie, et en 1977, il devient conseiller pour le ministère de l'Information et de la Culture. En 1981, il est nommé lecteur à la SNED et enseigne à l'IEP d'Alger.