Selon des spécialistes de l'industrie pétrolière réunis, hier, à Tokyo, même si les prix du pétrole se sont stabilisés, ils risquent de recommencer à fluctuer violemment avec le redémarrage de la croissance économique mondiale. Les prix du brut s'étaient envolés en juillet 2008 jusqu'à 147,50 dollars le baril, avant de dégringoler à 35 dollars cinq mois plus tard. Ils évoluent actuellement plus paisiblement aux alentours de 70-80 dollars le baril. "La volatilité s'est atténuée depuis les montagnes russes de 2007 et 2008", a rappelé le directeur exécutif de l'AIE, Nobuo Tanaka. "Mais le marché pourrait redevenir volatil une fois que l'économie mondiale aura repris sa croissance et que l'approvisionnement redeviendra tendu", a-t-il averti.Les prix du pétrole sont imprévisibles tant ils dépendent d'une multitude de facteurs dont la plupart sont mal connus. La seule certitude est que "l'ère de l'énergie bon marché est révolue", a rappelé M. Tanaka. Ampleur des réserves mondiales, évolution des capacités de production et de raffinage, croissance dans les pays consommateurs, spéculation ou encore progrès dans les mesures d'économie d'énergie, autant de critères décisifs pour la formation des prix, qui restent, pour la plupart, de totales inconnues. Autres facteurs importants à prendre en compte à court et moyen terme: le retour de l'Irak au rang de producteur majeur et la façon dont l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) réagira à cette nouvelle donne, ou encore les risques d'escalade de la crise nucléaire iranienne. "La volatilité est inhérente au marché, c'est une caractéristique inévitable de cette industrie", a reconnu David Fyfe, chef du département de l'industrie et du marché pétroliers à l'AIE. "Mais elle pourrait être minimisée si les perspectives d'avenir étaient plus claires, et si la visibilité sur le marché était meilleure... La formation des prix est un phénomène très complexe. Nous avons besoin de plus de données, nous avons besoin de meilleures données". Un groupe d'experts, mandaté par le Forum international de l'énergie, travaille actuellement sur la façon d'améliorer la transparence du marché pétrolier et le dialogue entre producteurs et consommateurs. Il doit publier ses recommandations en mars. Dans l'immédiat, les capacités de production et de raffinage ainsi que les stocks sont excédentaires, pour une demande qui reste limitée dans le sillage de la récession économique mondiale. D'où la stabilité des prix actuelle. Selon Leo Drollas, économiste en chef au Centre for Global Energy Studies, le prix du baril devrait cependant devenir plus volatil au cours des prochains mois, et fluctuer dans une fourchette de 20 dollars autour des 70 dollars. Il pourrait même dépasser à nouveau les 100 dollars vers le troisième trimestre 2011 si le redémarrage de l'économie mondiale se confirme. Mais en définitive, a tempéré M. Drollas, "l'industrie pétrolière est un jumbo-jet sans compas et sans instruments de bord qui vole au-dessus de l'océan. La seule façon de naviguer est de regarder par le hublot pour voir si on est arrivé au-dessus de la terre". Il faut dire que 80 experts ont planché, jeudi et vendredi à Tokyo, sur les mystères de la formation des prix du brut, sous l'égide de l'Agence internationale de l'Energie (AIE) qui représente les intérêts de 28 pays développés. Pour ce qui est de la situation sur les marchés, il faut noter que les cours évoluaient en hausse hier à l'ouverture des échanges à New York, soutenus par la révision à la hausse de la croissance américaine au quatrième trimestre, nouvelle jugée encourageante pour la demande d'énergie. Vers 14H10 GMT/15h10 HEC, sur le New York Mercantile Exchange (Nymex), le baril de "light sweet crude" pour livraison en avril s'échangeait à 78,69 dollars, en hausse de 52 cents par rapport à jeudi en clôture. Stables dans les échanges électroniques précédant la séance new-yorkaise, les prix se sont installés dans le vert "en réaction aux chiffres du PIB, un peu meilleurs que prévu", a expliqué Andy Lipow, de Lipow Oil Associates. La croissance du premier pays consommateur d'or noir a été revue en hausse, à 5,9% en rythme annuel. Ce chiffre est supérieur aux attentes des analystes, qui s'attendaient à ce que le ministère maintienne sa première estimation d'une hausse du PIB de 5,7% par rapport au trimestre précédent. "Les opérateurs s'attendent à ce que la demande s'améliore dans les mois à venir", a expliqué M. Lipow. "A long terme, le marché pense que l'excès actuel d'offre va disparaître".