Le Luxembourg a l'ambition de se positionner comme leader européen en matière de finance islamique. Ainsi, le ministre luxembourgeois des Finances, Luc Frieden, a récemment demandé à l'administration fiscale de préciser dans quel contexte les produits islamiques sont soumis aux contributions. Ainsi, si le pays a fait figure de pionnier en matière de finance islamique en étant, notamment à travers la Bourse de Luxembourg, la première Bourse européenne présente sur le marché des sukuk en cotant des obligations islamiques dès 2002, il a besoin d'une certaine expertise pour développer ce type de produits. Lors d'un séminaire, organisé par Luxembourg for Finance et l'université, le pays a invité de hauts représentants du Malaysia International Islamic Financial Centre (MIFC) à venir discuter du sujet. En effet, en institutionnalisant dès les années 1960 la finance islamique, la Malaisie s'est positionnée comme pionnier et leader mondial dans le domaine. Aujourd'hui, Kuala Lumpur cherche des relais à l'international pour développer et vendre son expertise. Entre Kuala Lumpur et Luxembourg, il existe un point commun, le haut niveau d'expertise et de réglementations dans le domaine financier. Les deux pays se sont donc apparemment bien trouvés pour travailler sur le sujet ensemble. Avec le Luxembourg, la Malaisie a trouvé une bonne porte d'entrée sur le territoire européen. Quant au Grand-Duché, il compte se former auprès de Kuala Lumpur et s'enrichir de son expérience pour devenir le numéro un de la finance islamique en Europe. Il faut dire que selon l'agence de notation Standard and Poor's (S&P), la finance islamique devrait maintenir sa croissance soutenue en 2010. Nombre d'institutions financières islamiques semblent avoir été préservées de la crise financière mondiale, ce qui est probablement attribuable, selon nous, au fait que les principes de la loi islamique interdisent les intérêts. Ces principes de la loi islamique auraient ainsi dissuadés les banques islamiques d'investir dans des produits financiers complexes qui étaient à l'origine de transmission de la crise financière. La finance islamique devrait poursuivre sa croissance soutenue en 2010 grâce aussi à une à une diversification géographique renforcée, selon l'agence, qui évalue à environ 1.000 milliards de dollars l'ensemble des actifs gérés par les institutions financières islamiques. Il faut dire que la finance islamique promeut l'investissement dans des actifs tangibles: les investissements doivent être adossés à des actifs réels. Au-delà de ce premier critère discriminant, les financiers musulmans ne dérogent pas à une règle d'or : le banquier n'est pas prêteur mais co-investisseur et donc partenaire du projet financé. Ses revenus correspondront à une quote-part des résultats issus du projet financé. L'exigence d'un audit approfondi des potentiels projets à financer ainsi que l'accompagnement des entrepreneurs pendant les phases de recherche, de lancement et de vie de projet permettent d'éviter une dilapidation de capitaux reçus et une gestion qui s'est, jusqu'alors révélée salutaire. Le très célèbre principe des 3P (Partage des Pertes et Profits) conduit de manière systématique, le banquier (investisseur) à une vigilance accrue quant à la pertinence du projet financé. La différence de comportement entre l'investisseur " islamique " et l'investisseur " classique " en matière de bourse pourrait être explicitée en deux points. Le premier est investisseur à moyen et long termes, l'autre est, le plus souvent, spéculateur de court terme, profitant des écarts de cours sur un titre. D'ailleurs, certains savants musulmans ont pu émettre l'idée de cycle d'investissement concernant l'achat d'actions. La durée de détention d'un titre de société intervenant dans le domaine agricole pourra, par exemple, correspondre au temps nécessaire pour semer, récolter et commercialiser. La décision de vente du titre sera alors justifiée par une véritable stratégie d'investissement mesurée par le retour sur investissement post-cycle de récolte. Dans leur ensemble, les principes majeurs de la finance islamique, sans se targuer d'être des antidotes absolus pour l'ensemble des maux, constituent un corpus de normes dont la vocation profondément éthique permet de fixer de solides garde-fous aux acteurs de la sphère financière. L'un des défis majeurs de la finance islamique, où du moins de celui de ses partisans, sera celui de résoudre un paradoxe qui semble être un véritable casse-tête pour les hommes modernes que nous sommes : allier croissance vertigineuse à exemplarité morale. Les analystes de S&P relèvent, par ailleurs, que le développement de la finance islamique devrait notamment être soutenu par des avancées dans les pays non musulmans, en particulier l'Europe de l'Ouest.