Selon M. Chakib Khelil, ministre de l'Energie et des Mines, les principaux pays producteurs-exportateurs de gaz la Russie, l'Iran, le Qatar, le Venezuela et l'Algérie se réuniront le 9 avril à Doha, pour discuter de l'idée de la création d'un cartel du gaz. Le ministre, qui intervenait jeudi sur les ondes de la Radio Algérie Internationale (RAI), a également déclaré que probablement "une équipe d'experts dans le domaine, étudiera les avantages et les inconvénients de la création d'une telle organisation et fera par la suite des recommandations allant dans le même sens". Pour sa part, le commissaire européen à l'Energie, M. Andris Piebalgs, s'est déclaré jeudi à Lisbonne défavorable à la création d'une organisation d'exportateurs de gaz naturel ou "Opep du gaz", estimant que le marché du gaz a besoin d'un environnement concurrentiel pour se développer. "J'appelle à ce que cette idée n'avance pas car le marché du gaz doit être libéralisé pour fonctionner, sans conditionnement des prix", a déclaré M. Piebalgs à la presse en marge d'un colloque à Lisbonne. "Le marché du gaz a besoin d'un environnement concurrentiel pour se développer", a-t-il estimé. La conférence énergétique du Forum des pays exportateurs de gaz (GECF), est une organisation créée en 2001. Elle regroupe les pays contrôlant 70% des réserves mondiales de gaz. Selon nombre d'experts, cette structure était vide et sans influence, mais, depuis la signature, il y a quelques mois de l'accord entre Sonatrach et Gazprom tout a changé. Les présidents de Russie, d'Algérie, du Venezuela, d'Iran et à un moindre degré l'émir du Qatar se sont mis chacun selon ses propres déclarations à lancer l'idée de la création du cartel du gaz. Et pour la première à la veille du Forum des pays producteurs-exportateurs de gaz, l'évidence est unanime indique-t-on pour jeter les premiers jalons de l'Opep du gaz. Cela signifie que, lors du Forum de Doha, de sérieux changements seront annoncés. Certains analystes estiment qu'un cartel gazier fonctionnant comme l'Opep est difficile à concevoir en raison des caractéristiques du marché du gaz. Le pétrole s'échange sur des marchés financiers comme ceux de Londres ou New-York et ne portent que sur des durées de quelques mois au plus, ce qui permet de faire varier la production. Pour d'autres, le gaz naturel est lui aussi sur des places financières, mais cela ne concerne qu'une très faible part du marché. La grande majorité des achats se fait par contrats de gré à gré, généralement indexé sur le prix du pétrole, portant sur 15 et 20 ans, voire plus. Les réserves ont augmenté de 15 % depuis 2000 Les 2/3 des réserves mondiales de gaz naturel dont la durée de vie au rythme de consommation actuel est de 65 ans, sont essentiellement concentrées en Russie et au Moyen-Orient (Iran et Qatar). Grâce à la découverte de nouveaux champs (notamment dans la zone Asie/Océanie) et à la réévaluation des champs existant en dehors de l'Europe, les réserves mondiales ont augmenté de 15% depuis 2000. Les deux tiers de nouvelles découvertes de la période 2000/2004 sont des réserves offshore ; leur production devrait augmenter d'environ 50% d'ici à 2020. En Europe, les réserves ont chuté de 20% essentiellement à la suite de l'épuisement rapide des réserves britanniques en Mer du Nord. A l'avenir, le Moyen-Orient, le CEI et l'Offshore devraient représenter une part de croissance de la production mondiale de gaz. Il faut toutefois noter que le Moyen-Orient ne fournit aujourd'hui que 10% du marché international en dépit de ses réserves. C'est une différence majeure par rapport au pétrole dont 30% de la production provient de cette région. Les ressources de gaz non conventionnels (gaz de réservoirs étanches, gaz issus de gisements de charbon, gaz de schiste et hydrate de méthane) sont considérables. Ces gaz (hors hydrates) sont surtout étudiés et exploités aux Etats-Unis, où ils représentent 30% de la production domestique. Des pays " charbonniers " comme la Chine, l'Inde ou l'Australie, étudient aussi la possibilité de valoriser le gaz contenu dans les gisements de charbon. Les perspectives d'exploitation des hydrates de méthane, dont les réserves sont particulièrement importantes, sont encore incertaines compte tenu des défis technologiques et des risques liés à leur exploitation. Trois pays détiennent plus de 50% des réserves mondiales : la Russie 27%, l'Iran 15% et le Qatar 14%. 5 pays produisent plus de 50% de gaz : la Russie 22%, suivie par les Etats-Unis 19%, le Canada 6,7%, le Royaume-Uni 3,2% et l'Algérie 3 ,2%. 4 pays assurent plus de 50% des exportations : la Russie 23%, le Canada 11%, la Norvège 9% et l'Algérie 7%. 6 pays consomment 50% du total mondial : Les Etats-Unis 23%, la Russie 15% suivis de loin par le Royaume-Uni, le Canada, l'Allemagne et l'Iran avec un peu plus de 3% chacun. 6 pays totalisent plus de 50% des importations : les Etats-Unis 11%, l'Allemagne 9%, le Japon 9%, l'Italie 9%, l'Ukraine 6% et la France 6%. L'idée d'une Opep du gaz émise en août dernier par le géant russe du gaz Gazprom tend à créer un cartel de pays gaziers. Cette réflexion qui sera débattue le 9 avril prochain à Doha, fait déjà l'objet d'une forte inquiétude en Europe. Une Europe très dépendante de l'importation de gaz naturel L'Europe du gaz regroupe 25 pays qui consomment 471 Gm3, soit 17% du marché mondial. Mais l'Europe importe plus de la moitié de sa consommation, laquelle progresse de 3% par an. Ses principaux fournisseurs sont la Russie, l'Algérie et la Norvège, puis le Nigeria, le Qatar et l'Egypte. Le ¼ du gaz, consommé dans l'Union européenne provient de Russie dont l'exportation est assurée par un seul acteur, Gazprom. En 2020, l'Union européenne ne produira qu'un tiers de ses besoins et dès 2030, elle sera dépendante à plus de 80% de l'importation. Les différents pays de l'Union européenne offrent des degrés d'autonomie variables : tandis que les Pays-Bas sont autosuffisants pour de nombreuses années encore et que le Royaume-Uni (1er producteur européen) est devenu importateur. Les grands pays européens consommateurs de gaz naturel comme l'Allemagne, l'Italie, la France ou l'Espagne montrent un fort taux de dépendance. Le cas des Etats-Unis Les Etats-Unis, premiers consommateurs mondiaux, couvrent 84% de leurs besoins avec leur production locale, le reste étant principalement importé du Canada. Le gaz canadien est livré par pipeline tandis que Trinité et Tobogo approvisionnent le pays en GNL par méthanier. Avec seulement 10 ans de réserves prouvées et une production qui stagne, les Etats-Unis se tournent désormais vers de nouveaux fournisseurs d'Asie, de la CEI et du Moyen-Orient pour rééquilibrer leur marché. Gros importateur de gaz, les Etats-Unis ont également exploité des ressources de gaz non conventionnels dès les années 1980. La Chine et l'Inde Dans la région Asie-pacifique la demande en gaz croit de plus de 6% par an. La demande est particulièrement forte en Chine et en Inde et devrait aller en s'accroissant. Malgré des réserves significatives et d'importants investissements pour les développer (construction en Chine du gazoduc ouest-est permettent l'acheminement vers les provinces de l'Est des réserves du bassin Tarim), ces deux pays doivent néanmoins renforcer leurs importations surtout sous forme de GNL.