Au mois de mars 2007, ce qui a fait plus d'effet dans l'interview accordée par le président de la République, M. Abdelaziz Bouteflika au journal espagnol El Pais, et sa réponse sur la possibilité d'une Opep du gaz qu'il ne faut pas "rejeter a priori". Il a considéré que la suggestion iranienne mérite d'être "examinée et discutée entre tous les intéressés". Le chef de l'Etat a estimé dans cette interview que la proposition iranienne "s'inscrit dans les tendances introduites par la globalisation qui poussent les producteurs à se solidariser pour défendre leurs intérêts". Plus tard, le ministre de l'Energie et des Mines, M. Chakib Khelil, lors d'une visite à l'intérieur du pays, a déclaré que l'idée de la création d'une "Opep du gaz" sera bénéfique à l'Algérie si elle sera claquée sur le modèle de l'Opep du pétrole. "L'Algérie soutiendra tout ce qui protège ses intérêts économiques et politiques", a-t-il déclaré.M. Chakib Khelil, évoquant souvent cette question à la demande de la presse nationale et internationale, a expliqué que les principales missions qui seront confiées au cartel du gaz ne seront pas les mêmes que celles dévolues actuellement à l'Opep. "Contrairement à l'Opep qui a la mission de réguler les prix du bail en assurant le suivi des fluctuations du marché, le cartel du gaz à créer dans l'avenir, lui, sera chargé du suivi de l'application des contrats et des échanges à long terme". Et ce partant du fait que la livraison du gaz se fait sous forme de "contrats de longue durée" et dont les prix sont préétablis, tandis que le prix du pétrole est soumis aux fluctuations quotidiennes. Depuis le début du mois de novembre, et en prévision de la réunion des pays exportateurs de gaz, le 23 décembre à Moscou, l'idée d'aller vers la création de l'Opep du gaz refait surface avec tout son poids. Les pays consommateurs de gaz craignent que ce forum ne se transforme en "Opep du gaz" en référence à l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), permettant, comme elle, aux pays membres, de s'entendre pour fixer les prix, ou du moins d'exercer une influence sur eux. La réunion ministérielle du Forum des pays exportateurs de gaz (FPEG) prévue le 23 décembre dans la capitale russe, Moscou, regroupera l'Algérie, la Bolivie, Brunei ? l'Egypte, la Guinée Equatoriale (en qualité d'observatrice), l'Indonésie, l'Iran, la Libye, la Malaisie, le Nigeria, la Norvège (en qualité d'observatrice), le Qatar, la Russie, Trinidad et Tobago, les Emirats arabes unis et le Venezuela. Cinq de ces pays membres (Russie, Iran, Qatar, Venezuela et Algérie) contrôlent 73% des réserves mondiales de gaz et 42% de la production. Dans des extraits d'un rapport analytique confidentiel publié par le Financial Times, rapport préparé par des experts de l'Otan, une réplique "gazière Opep" englobait l'Algérie, le Qatar, la Libye, la Russie, les pays d'Asie centrale et l'Iran. On pourrait y ajouter la Mauritanie, le Mali et plusieurs pays d'Afrique centrale. La rencontre ministérielle, initialement prévue à la mi-novembre, a été repoussée ; la préparation du projet des statuts nécessitent davantage de temps, indique-t-on du côté du pays organisateur de la rencontre, la Russie. La triple alliance des pays exportateurs de gaz réunissant la Russie, l'Iran et le Qatar est le résultat des efforts conjoints des pays producteurs et exportateurs de gaz, a déclaré il y a quelques jours, le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov. Selon lui, tous les pays liés à la production d'hydrocarbures "ont intérêt à ce que le marché du gaz et du pétrole soit stable". Il pense que cela est également dans l'intérêt des consommateurs. "Nous voulons bâtir notre partenariat avec les pays producteurs d'hydrocarbures dans la plus grande transparence. Il n'y aura pas d'ordre du jour secret. Nous voulons stabiliser le marché et déboucher sur un niveau des prix acceptable aussi bien pour les producteurs que pour les consommateurs et les pays de transit", a-t-il ajouté. Mardi dernier, le Premier ministre russe Vladimiir Poutine, a qualifié la crainte de l'Europe et des Etats-Unis de "sans fondement" concernant l'éventuelle création d'un cartel du gaz sur le modèle de l'Opep. Il est évident pour les observateurs que si la Russie créerait un cartel avec l'Iran, l'Algérie et le Qatar, constituerait un défi ouvert aux Occidentaux, et pas seulement dans le secteur énergétique. Toutefois, à terme, une telle alliance qui regrouperait tous les pays producteurs de gaz est parfaitement possible. Pour l'instant, les contrats à long terme jouent un rôle décisif dans l'activité du marché gazier mondial, et une grande partie des contrats est réalisée grâce au système de gazoducs. La croissance rapide que connaît le commerce du gaz liquéfié enregistre une augmentation de consommation dans le monde. Elle est supérieure de 3,5 fois (7,7 par an contre 2,2) à la dynamique de la consommation de gaz acheminé par les conduites. C'est cette collusion des intérêts des vendeurs et des acheteurs sur le marché qui peut entraîner une "consolidation" des positions des principaux exportateurs de gaz. D'autant plus que, de par sa structure, le marché du GNL est identique à celui du pétrole. Il est également intéressant de noter que la totalité des hommes politiques et des analystes s'efforcent de séparer de son contexte politique la composante directement gazière, de cartel, de l'idée d'une "Opep du gaz". Si l'Europe fait montre de sa crainte, il convient de dire que plusieurs grosses compagnies occidentales commencent à renforcer leurs positions dans les pays pouvant potentiellement entrer dans le cartel du gaz. Depuis quelques semaines, les appels à créer un cartel du gaz ont retenti plus fort. Les réactions sont principalement motivées par le mécontentement suscité par la politique énergétique de l'Union européenne. La stratégie actuelle de l'UE est considérée comme une "tentative" sur le fond de regrouper en cartel des pays consommateurs, une tentative visant à diviser les producteurs de gaz selon le vieux principe qu'affectionnent les Européens : "diviser pour mieux régner". Ou, pour dire les choses autrement, à créer des conditions tels que les consommateurs puissent dicter leurs prix aux fournisseurs.