Dans une allocution prononcée à Nairobi, au Kenya, Dominique Strauss-Kahn, Directeur général du Fonds monétaire international (FMI), a évalué les effets de la crise économique et financière mondiale sur l'Afrique. Notant que la crise a frappé l'Afrique de multiples manières, il a déclaré que " sur tout le continent, on perçoit les signes d'un rebond, dans les échanges internationaux, les recettes d'exportation, le crédit bancaire et l'activité commerciale. "Pour 2010, le FMI prévoit une croissance de l'ordre de 4 ½%" a-t-il indiqué, ajoutant que"l'Afrique a retrouvé ses marques, même si beaucoup dépendra de la reprise mondiale, qui n'en est encore qu'à son tout premier stade". Par ailleurs, beaucoup de pays africains avaient mené de bonnes politiques avant la crise, des politiques qui les ont protégés contre un ralentissement plus prononcé, car elles ont renforcé leurs finances publiques, réduit leur endettement, contenu l'inflation et permis de constituer de confortables réserves. Toutefois, M. Strauss-Kahn a mis en garde contre un excès de confiance quant aux perspectives économiques de l'Afrique, " il ne faut pas s'endormir sur ses lauriers", a-t-il dit.L'Afrique reste éminemment vulnérable à des perturbations économiques qui peuvent avoir des origines très diverses. En outre, l'Afrique doit à la fois retrouver une croissance rigoureuse et se donner les moyens de mieux résister aux chocs. A noter également que M. Strauss-Kahn a attiré l'attention sur les changements climatiques. Il a appelé " la communauté internationale à mobiliser les ressources nécessaires pour aider les pays en développement, en particulier les pays à faible revenu, à faire face aux changements climatiques ", qui pourraient être le " choc ultime ". Il a ajouté que "faute d'action, l'Afrique souffrira davantage de sécheresses d'inondations, de pénuries alimentaires et de maladies, avec peut-être pour conséquences instabilité et conflits ". Concernant la transformation économique de l'Afrique au lendemain de la crise, le directeur du FMI a déclaré qu'il en est résulté de cette crise une année décevante pour l'économie de l'Afrique, et a marqué la fin de l'expansion la plus longue et la plus vaste de l'histoire moderne. D'ailleurs en 2009, la croissance de l'Afrique subsaharienne a été voisine de 2 %, alors qu' avant cela, elle avait atteint un rythme de croisière de l'ordre de 5 à 7 %. D'autre part, les revenus moyens par habitant ont subi une diminution marginale, la première depuis près de vingt ans. Cela s'est accompagné d'immenses souffrances humaines. Des emplois ont été perdus dans les secteurs formel et informel. Les progrès accomplis dans la réduction de la pauvreté ont été remis en question. Les problèmes de nutrition se sont aggravés. Dans les autres régions du monde, ce type de crise peut vous faire perdre votre emploi ou peut-être votre maison. En Afrique, elle peut carrément vous coûter la vie, ou celle de vos enfants. Forte heureusement, la situation semble s'être retournée. Comme dans le reste du monde, une reprise s'est amorcée en Afrique au second semestre de 2009. Sur tout le continent, on perçoit les signes d'un rebond dans les échanges internationaux, les recettes d'exportation, le crédit bancaire et l'activité commerciale. Pour 2010, le FMI prévoit une croissance de l'ordre de 4 ½ %. Bref, je crois que l'Afrique a retrouvé ses marques, même si beaucoup dépendra de la reprise mondiale, qui n'en est encore qu'à son tout premier stade."Maintenant que le calme revient, je crois qu'une chose est claire : nous avons échappé au pire, cette récession aurait pu être plus profonde et plus longue",a souligné M. Strauss-Kahn. Cependant, il est encore trop tôt pour se passer de la béquille budgétaire, dans de nombreux pays. Car, la reprise est encore hésitante et instable, et elle nécessite toujours le soutien des pouvoirs publics, surtout là où il est possible d'obtenir des financements non inflationnistes, de préférence à des conditions concessionnelles. Mais il faut se préparer dès maintenant à reconstituer les "amortisseurs" qui ont été si utiles à l'Afrique pendant la crise. Toutefois, "si le mérite en revient pour l'essentiel aux pays eux-mêmes, l'Afrique a pu surmonter la crise grâce aussi à l'aide de la communauté internationale" a déclaré M. Strauss-Kahn ajoutant que le FMI a certainement joué son rôle à cet égard, puisqu'en 2009, il a accordé à l'Afrique 3,6 milliards de dollars de prêts sans intérêts, soit plus de trois fois le montant engagé en 2008. Par ailleurs, le FMI a adopté une approche plus souple des questions d'endettement. Les pays qui sont les moins exposés au risque de surendettement auront une plus grande latitude pour emprunter davantage à des conditions concessionnelles et non concessionnelles. Enfin, la transformation économique de l'Afrique, avec pour objectif de rehausser le niveau de vie et d'accroître la résistance aux chocs, est une tâche colossale. L'Afrique doit jouer un rôle de premier plan, et "je salue la position prise par les dirigeants africains, notamment ici au Kenya, en ce qui concerne la lutte contre les changements climatiques". Bien entendu, la communauté internationale doit elle aussi jouer son rôle. "Dans notre monde de plus en plus intégré, chacun a intérêt à ce que l'Afrique soit prospère. C'est un processus à double sens" a-t-il signalé. "La tâche est lourde, mais elle n'est pas insurmontable. Comme Nelson Mandela l'a déclaré, "cela paraît toujours impossible, jusqu'à ce que cela devienne réalité", a conclu le directeur du FMI.