Qualifié, de révolution dans les marchés énergétiques, les gaz non conventionnels suscitent certaines inquiétudes, notamment du côté des écologistes, lesquels craignent que les produits chimiques injectés dans la roche ne contaminent l'eau potable. Le président du cabinet IHS Cera, Daniel Yergin estime qu'alors que les techniques non-conventionnelles gagnaient en importance, "les questions environnementales qui les entourent ont suivi la même tendance". Les inquiétudes ont été d'autant plus vives que l'apparition des nouvelles méthodes de forage ont ramené les compagnies pétrolières vers des zones densément peuplées, comme dans l'Etat de New York ou en Pennsylvanie (est). Elles se concentrent sur deux problèmes liés à l'eau, relève l'IHS Cera dans son étude: la possibilité de voir l'eau et les produits chimiques injectés dans la roche s'infiltrer dans les réserves en eau potable et la gestion des eaux usées une fois que le gaz a été isolé à la sortie du puits. Pour l'IHS Cera, "il y a une séparation considérable, notamment par de la roche imperméable, entre les endroits où la roche est cassée (par le liquide injecté, ndlr) et les champs aquifères d'eau potable". En surface, note le cabinet spécialisé, le problème est le même, que la technique soit conventionnelle ou pas, et "l'offre d'eau potable semble avoir été sauvegardée de toute contamination", estime le cabinet. La sécurité dépend donc de la rigueur des compagnies dans leurs méthodes de forage, et du respect des normes, conclut-il. "L'activité a menacé de croître plus vite que le cadre réglementaire, qui rattrape actuellement son retard", a reconnu David Hobbs, expert du cabinet. Notons que le cabinet IHS Cera, estime que ces techniques dites "non-conventionnelles", ignorées de l'industrie il y a cinq ans, ont permis de plus que doubler l'estimation de ressource disponible en Amérique du Nord, à 85.000 milliards de m3. "C'est la plus grande innovation en terme d'énergie depuis l'an 2000", a estimé Daniel Yergin, président d'IHS Cera, lors de la conférence CeraWeek à Houston (sud des Etats-Unis). "On a vu le gaz naturel passer d'une situation d'offre limitée, à une situation d'abondance. Cela modifie la nature de la concurrence dans l'énergie, cela modifie le débat", a-t-il ajouté. Les techniques d'extraction des gaz contenus dans les schistes ont connu un développement spectaculaire ces dernières années, ramenant les compagnies vers des régions où l'on croyait les ressources épuisées, comme dans l'Etat de New York (est). Elles consistent à casser la roche en y injectant sous haute pression un liquide contenant des produits chimiques qui libèrent le gaz et le font remonter à la surface, puis à forer à l'horizontale pour suivre les couches de la roche. Alors qu'ils ne représentaient que 1% de la production américaine en 2000, les gaz de schiste atteignent aujourd'hui 20% de la production et pourraient dépasser 50% d'ici 2030, selon l'étude d'IHS Cera. A l'échelle mondiale, cette évolution fulgurante du marché américain a eu un effet spectaculaire: les Etats-Unis ont ravi en 2009 à la Russie la place de premier producteur mondial de gaz. Le géant russe Gazprom s'est récemment inquiété de cette "révolution", qui "peut modifier fondamentalement le marché du gaz". Jean-François Cirelli, vice-président du groupe français GDF Suez, qui achemine du GNL aux Etats-Unis, a noté mercredi à Houston qu'il ne voyait "pas l'intérêt de construire des nouveaux terminaux de GNL" en Amérique du Nord. Selon des chiffres cités par Philippe Boisseau, président des activités gaz et énergie du groupe français Total, autre gros fournisseur de GNL, le gaz "non-conventionnel" pourrait représenter 5 à 7% de la production mondiale en 2030. "Cela veut dire que c'est important, c'est un sujet qui suscite beaucoup d'intérêt", a-t-il estimé. "Cela va être bienvenu si on du mal à produire suffisamment de GNL pour répondre à la demande, mais cela ne va pas changer notre vision à long terme de l'équilibre offre et demande, qui à notre avis va rester tendu".