D'près une étude réalisée récemment par l'IRIN, un projet du Bureau pour la Coordination des Affaires Humanitaires des Nations Unies , de longues périodes de sécheresse dans certaines régions d'Afrique et des pluies imprévisibles en Asie ont semé l'incertitude concernant le rendement des cultures de 2010 dans les pays les plus pauvres du monde. Les prix des aliments dans la plupart des pays en développement ont baissé depuis la crise de 2008, mais sont quand même plus élevés qu'en 2007. Dans le premier volet d'une série de quatre articles sur la sécurité alimentaire dans certains des pays les plus vulnérables au monde, IRIN s'interroge : " nous dirigeons-nous vers une nouvelle crise " ? Il faudrait " deux mauvaises années consécutives " pour que la crise alimentaire et énergétique de 2008 se reproduise, a dit Abdolreza Abbassian, économiste et secrétaire du Groupe intergouvernemental sur les céréales du Fonds des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). Contrairement à la situation de 2008, les réserves mondiales de céréales sont actuellement suffisantes. Mais " de nombreux facteurs [entrent] en jeu " concernant les prix des aliments. " En fait, nous prévoyons que les prix restent fermes, même à moyen terme (pendant les 10 prochaines années), même s'ils ne dépasseront peut-être pas les niveaux dont nous avons été témoins en 2008 ", a commenté M. Abbassian. Il s'agit toujours de ce que l'offre adéquate réponde à une demande grandissante, et l'offre de céréales pour l'alimentation est en déclin. La réduction progressive des subventions et du soutien aux plus grands producteurs mondiaux, dans les pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) - notamment les États-Unis et l'Union européenne - a eu pour conséquence une diminution des excédents. Selon un article de l'OCDE, les prix des aliments vont recommencer à augmenter, " (quoique pas aussi haut qu'en 2008) une fois que les pays sortiront de la récession, car les facteurs structurels de l'offre et de la demande sont toujours très présents... la demande augmentant plus vite que l'offre. Les prix des aliments ne devraient donc plus être perçus comme un "choc" ou une "crise" à court terme, mais plutôt comme un problème structurel à plus long terme ". Certains des changements structurels à l'origine de la crise des prix alimentaires de 2008, tels que la réaffectation des terres agricoles qui servaient à produire des céréales alimentaires pour produire des biocarburants, doivent encore être étudiés, a dit M. Abbassian. ActionAid, une organisation non gouvernementale (ONG) internationale, a calculé dans son nouveau rapport, Meals per gallon: the impact of industrial biofuels on people and global hunger (Repas par gallon : l'impact des biocarburants industriels sur la population et la faim dans le monde), que d'ici à 2020, la consommation de biocarburants dans l'Union européenne (UE) allait être multipliée presque par quatre et que les deux tiers seraient importés, principalement de pays en développement. Selon un scénario prenant en compte un développement planifié et prévisible des biocarburants dans certains pays, l'International Food Policy Research Institute (IFPRI), dont le siège se trouve aux États-Unis, a prévu que les prix du maïs augmentent de plus de 20 pour cent d'ici à 2020 et de plus de 71 pour cent dans une hypothèse de développement draconien. C. Ford Runge et Benjamin Senauer, professeurs à l'université du Minnesota, ont écrit dans un article publié en 2007 dans Foreign Affairs, un magazine américain, que si le prix des produits alimentaires de base continuait à augmenter, conformément aux prévisions de l'IFPRI, le nombre de victimes de l'insécurité alimentaire dans le monde augmenterait de plus de 16 millions par point de pourcentage supplémentaire des prix réels des produits alimentaires de base. ActionAid a remarqué que " si tout les objectifs en matière de biocarburants sont atteints, il est estimé que les prix des aliments pourraient augmenter de jusqu'à 76 pour cent d'ici à 2020 ". L'ONG a dit qu'elle avait découvert que les entreprises de l'UE avaient déjà acheté, ou étaient en négociations pour acheter au moins cinq millions d'hectares dans des pays en développement, ce qui pourrait menacer l'approvisionnement en nourriture de populations parmi les plus vulnérables. Selon la FAO, une personne sur six dans le monde a faim, la crise de 2008 ayant fait glisser 100 millions de personnes supplémentaires dans la pauvreté et l'insécurité alimentaire.