Ça ne peut plus durer. L'économie mondiale va devoir trouver un nouveau modèle. Pendant deux siècles, l'homme a tiré allègrement sur les entrailles de la Terre pour produire son énergie. Il a pollué l'air et l'eau en abondance sans même en avoir conscience. Il a fait disparaître des milliers d'espèces animales et végétales. Il a fabriqué un prodigieux développement économique dans l'ignorance totale de l'environnement. Mais cette domination de l'homme sur la nature est condamnée à disparaître. Nous allons devoir " changer la croissance pour sauver la Terre ", comme l'indique le titre du cahier de 16 pages, publié juste avant deux manifestations auxquelles sont associés " Les Echos " - le Forum européen pour le développement durable et une entreprise responsable (Feder), jeudi et vendredi, et la deuxième université de la Terre, samedi à l'Unesco. Ça ne peut plus durer, parce que le climat change peut-être irrémédiablement. La température monte parallèlement aux émissions de gaz à effet de serre. Les scientifiques du Groupe d'experts intergouvernmental sur l'évolution du climat estiment que les deux sont très probablement liés. Et que le réchauffement va se poursuivre, menaçant des équilibres écologiques précieux. Le film d'Al Gore, Une vérité qui dérange, a accéléré la prise de conscience. Tout comme la douceur de l'hiver... et le rapport de Nicholas Stern sur la colossale facture du réchauffement. A Pékin, les dirigeants parlent de la nécessité d'un " développement plus viable ". Même à Washington, l'état d'esprit change. Ça ne pourrait plus durer, même si le réchauffement climatique n'était pas dû à l'activité humaine. Car les signes d'épuisement de notre bonne vieille planète se multiplient. Avec le triplement des cours du pétrole, les majors ont fini par admettre que les ressources d'or noir n'étaient pas illimitées. Leurs dirigeants situent le pic au-delà duquel la production reculera dans les années 2020 - c'est-à-dire demain. Les ressources en poisson diminuent dangereusement. Des nappes souterraines d'eau se vident. Des millions d'hectares de forêts disparaissent chaque année. Et il n'y a pas assez de terres cultivables pour nourrir toute la planète et remplir tous les réservoirs de voiture. Face à ces constats, certains prônent la décroissance. La perspective est non seulement déprimante mais aussi criminelle sur une planète où près de 1 milliard d'humains ne mangent pas à leur faim. La seule vraie solution, c'est de trouver collectivement les moyens d'une autre croissance, en accomplissant une formidable révolution technique, sociale, culturelle, d'une ampleur comparable à celle de la révolution industrielle. Il nous faudra aussi élargir nos horizons, transformer nos systèmes de mesure pour calculer un " PIB bio " et des " profits reproductibles ". En se rapprochant de l'écologie, l'économie renouera avec l'une des définitions les plus classiques de la science économique : l'affectation de ressources limitées à des besoins illimités.