Le président russe Dmitri Medvedev a inauguré vendredi le chantier de construction du gazoduc Nord Stream qui doit relier la Russie à l'Allemagne en passant sous la mer Baltique et approvisionner l'Europe en gaz russe en évitant les pays de transit. Après avoir assisté à la soudure de deux tubes dans la baie de Portovaïa, à une soixantaine kilomètres de Vyborg (nord-ouest de la Russie), aux côtés de responsables européens et des actionnaires du projet, le chef de l'Etat russe a écrit "bonne chance" sur le tuyau, tandis que des drapeaux russe, allemand et néerlandais ont été apposés dessus. C'est un "événement remarquable", a déclaré M. Medvedev lors de la cérémonie d'inauguration, qui a souligné que le gazoduc allait assurer "la sécurité énergétique" de l'Europe, à "des prix raisonnables et acceptables". La chancelière allemande Angela Merkel, qui s'est de son côté exprimée dans une vidéo enregistrée à Berlin, a salué "l'énorme potentiel économique" du projet. Le président du consortium Nord Stream, Gerhard Schroeder, a pour sa part souligné que 100 millions d'euros étaient investis pour les études sur l'influence de la construction du gazoduc sur l'environnement, afin que celle-ci soit "minimale". Le gazoduc, de 1.224 km de long, doit coûter au total 7,4 milliards d'euros investis par le géant russe Gazprom et ses partenaires allemands E.On Ruhrgas et BASF-Wintershall. Il doit permettre de transporter 55 milliards de mètres cubes de gaz par an jusqu'à la ville allemande de Greifswald en traversant les eaux territoriales de la Russie, de la Finlande, de la Suède, du Danemark et de l'Allemagne. Le projet prend enfin forme, au terme de plus d'une décennie d'études, de consultations et de négociations tous azimuts. Il faut dire que les enjeux de ce projet de 7,4 milliards d'euros sont de taille. Le pipeline doit permettre à la Russie d'accroître son influence sur le marché européen du gaz de 25% à près d'un tiers. Cette nouvelle voie de passage par la Mer baltique permet aussi de mieux assurer les approvisionnements de l'Europe en gaz. Le projet Nord Stream, qui implique le géant russe Gazprom mais aussi le français GDF Suez, prévoit de transporter 55 millions de mètres cubes de gaz par an d'ici à 2012. Un autre pipeline South Stream, qui doit passer sous la Mer noire toujours en évitant l'Ukraine, est également en projet. Le gaz et le pétrole russe à destination de l'Europe passaient jusqu'ici essentiellement par le Biélorusse (nominalement allié à Moscou mais se tournant vers l'Europe), la Pologne et les Etats baltes et l'Ukraine. Le premier projet de faisabilité de Nord Stream remonte à 2001, avec l'idée d'assurer ainsi l'approvisionnement de l'Allemagne, que la Russie voit comme son partenaire privilégié en Europe. D'autres projets visent à sécuriser la fourniture de gaz à l'Europe du sud, où l'Italie joue un rôle prépondérant. South Stream, a ainsi été lancé par Gazprom et le groupe semi-public italien ENI. Ce gazoduc, qui doit être opérationnel en 2013, bénéficie du soutien d'un autre partenaire clef de Moscou, la Turquie, quoiqu'il ne passe pas par le Bosphore, trop étroit ; il achemine le gaz russe directement dans les Balkans. Le tiers des pays de l'Union et la quasi-totalité des pays candidats à l'adhésion ont signé des accords avec le consortium en charge du projet, ou fait part de leur intérêt pour la construction, l'achat ou le transit de gaz russe, mais aussi kazakh. La Russie fournit 42 % du gaz consommé par les Vingt-Sept. C'est pourquoi l'Union, ainsi que les Etats-Unis, promeuvent la construction du gazoduc Nabucco, chargé d'acheminer via la Turquie, et sans passer par la Russie, du gaz kazakh, azéri, voire turkmène ou iranien si les relations avec la République islamique s'amélioraient nettement. Il serait opérationnel entre 2014 et 2018. Sa rentabilité demeure toutefois aléatoire car les clients potentiels risquent de privilégier South Stream. Mais si les Vingt-Sept entendent réduire leur dépendance envers la Russie, celle-ci dépend aussi de l'Union. Les deux tiers du gaz exporté par la Russie sont en effet vendus en Europe. Moscou cherche donc à trouver de nouveaux clients en Asie et a lancé l'an dernier la construction d'un gazoduc stratégique destiné à Pékin. Qui de son côté a inauguré un pipeline turkmène en décembre dernier.