La fluette à la voix rauque et sensuelle, cheba Zahouania sera dès le 29 mai 2010 à Genève au Théâtre du Léman pour un spectacle exceptionnel. Le 19 février dernier, elle était à Bobigny au Canal 93, pour un concert qui a rassemblé des dizaines de fans. L'artiste, que l'on surnomme la Nana Mouskouri boucle cette année ses 39 ans de carrière. Que de chemin fait par cette chanteuse qui s'était imposée au public en 1986 au moment où il était outrageant pour une femme de toucher à un raï, tout ce qui a de dépravé dans une aréne artistique ultraconservatrice et ultra guindée. Halima Mazzi -pour l'état civil- Zahouania est née, en 1959, à Oran, d'un père marocain et d'une mère algérienne. D'abord chanteuse dans un ensemble féminin de meddahâte, ce n'est qu'en 1981 qu'elle réalise son premier enregistrement. Le succès n'est pas immédiat, il se fera, cinq années plus tard, soit en 1986 avec la fameuse Khâli ya khâli (Mon oncle, oh mon oncle), qu'elle interprète en compagnie de cheb Hamid. L'année suivante elle cassera, carrément, la baraque avec le sulfureux tube, El Barraka (La Baraque), qu'elle chante en duo avec le regretté cheb Hasni. Ce que l'on garde de cette chanteuse dont on connaissait les albums, sans pour autant connaître son visage, c'est que ses cassettes n'ont été, au départ, illustrées que d'une simple photographie de magazine. Si elle donne des concerts dès 1987 à Alger, il faudra attendre février 1992 pour voir une de ses premières photographies publiées par le quotidien français Libération. Au lendemain de l'assassinat de cheb Hasni, survenu à Oran le 29 septembre 1994, cheba Zahouania quitte l'Algérie et s'installe en France. Celle qui excellera, aussi bien dans le registre du raï traditionnel des cheikhât que dans le raï moderne. Avec sa voix gutturale et voluptueuse, elle compte parmi les grandes figures du raï d'aujourd'hui. Outre un grand nombre d'albums, la chanteuse qui figure sur de nombreuses compilations raï, était invitée sur les titres Mon cœur se brise, Rachid System et Ach 'Dani, Alach Mchit, respectivement de Djamel Ben Yelles (album Djam & Fam), Rim-K (album L'Enfant du pays) et de cheb I Sabbah (album La Kahena). Après Stockholm et Saint-Jean de la Ruelle en juin 2007, à la faveur de concerts donnés à la mémoire de cheikha Rimitti disparue au printemps, cheba Zahouania était visible en juillet à Droixhe (périphérie de Liège) lors de la 4e édition de la Caravane des Quartiers; elle fera donc un périple artistique assez court. Et la reine du raï à la voix aussi enflammante que déchirante, a séduit comme toujours un public qui n'est pas habitué à aller à la rencontre d'une raï women avec un vrai orchestre et des vrais musiciens, contrairement au reste des chanteurs qui prennent leur boite à musique en scène. Zahaounia a la voix, le look et surtout le talent. La preuve c'est que son succès a devancé son personnage. Dans les années 80, alors que le raï était quelque part " prohibé " puisque considéré comme impur et infâme, Zahouania était sortie du lot dès les premières notes. 39 années après ses débuts, Zahouania est restée la favorite de tous et elle le sait. "De Stockholm à New York on me clame ! Les stars internationales du raï ne me font pas peur " nous a-t-elle déclaré un jour ! En 2007, elle s'essaie, sur une chanson, à la Reggada, rythme cousin né au Maroc oriental. Halima Mazzi s'est vue offrir par le gouvernement le pèlerinage à la Mecque en 2005. Après une période d'hésitation où elle a porté le voile et envisagé de ne plus chanter que des chants religieux, Hajja Halima Mazza est redevenue Cheba Zahouania reprenant la scène et le raï et abandonnant le voile.