Fidel Castro, en voie de rétablissement, tente un retour sur la scène internationale en appelant le "tiers-monde" à résister au développement par les "pays riches", Etats-Unis en tête, des biocarburants alternatifs au pétrole, au risque selon lui de provoquer des famines. Pour marquer son retour, huit mois après sa grave intervention chirurgicale, le dirigeant cubain, âgé de 80 ans, a choisi un "créneau" qui le place au coeur d'un débat mondial sur les énergies renouvelables et l'environnement, quitte à prendre à rebrousse-poils nombre de courants écologistes, voire son allié brésilien, premier producteur d'éthanol avec les Etats-Unis. La rencontre lundi du président George W. Bush avec les industriels américains de l'automobile a validé "l'idée sinistre de convertir les aliments en combustibles", a écrit Fidel Castro dans un long article paru jeudi en une de Granma, l'organe officiel du régime. Elu "in absencia", pour cause de maladie, à la présidence des Non-alignés en septembre, le dirigeant cubain, donné parfois pour moribond il y a encore peu, a ainsi livré sa première prise de position directe dans les affaires internationales depuis son retrait provisoire du pouvoir le 31 juillet. A l'heure où la plupart des pays occidentaux, mais aussi l'Inde, la Chine ou l'Amérique centrale, prévoient de financer les agrocarburants pour réduire leur dépendance pétrolière et les émissions de gaz toxiques, Fidel Castro tire la sonnette d'alarme: "Appliquez cette recette aux pays du tiers monde et vous verrez combien de gens parmi les masses affamées de notre planète vont arrêter de consommer du maïs. Ou pire: prêtez des financements aux pays pauvres pour produire de l'éthanol de maïs (...) et il ne restera plus un arbre pour défendre l'humanité contre le changement climatique". Le développement des agrocarburants, une "tragédie" aux yeux de M. Castro, risque de "condamner à une mort prématurée plus de trois milliards de personnes" en réduisant les surfaces cultivables, assure-t-il. Le fondateur du World Watch Institute, Lester Brown, s'est également inquiété récemment de ce que "les autos, et non les humains, auront droit à la majeure partie de l'augmentation de la production de céréales cette année". Adoptant une position proche de courants altermondialistes comme celui du leader paysan français José Bové, Fidel Castro promeut depuis deux ans une "révolution énergétique" à Cuba basée sur les économies d'énergie. "Tous les pays du monde, riches et pauvres, sans exception aucune, pourraient économiser des milliards de dollars d'investissements et de combustibles simplement en changeant les ampoules incandescentes par les ampoules fluorescentes" à basse consommation, assure le président cubain en donnant son pays en exemple. Evitant la polémique, le Brésil du président Lula da Silva, ami de Fidel Castro mais premier producteur d'éthanol de canne à sucre, a réagi vendredi en se déclarant "prêt à réaliser des programmes avec Cuba au bénéfice d'un pays africain". En attendant, Fidel Castro a semblé vouloir donner de lui une image conforme aux attentes d'une bonne partie de la population cubaine: retiré de la gestion quotidienne du pays, mais faisant entendre jusqu'au bout sa voix dans les affaires internationales. Dernier dirigeant communiste du continent américain, Fidel Castro est visiblement tenté par la posture de "vieux sage" se consacrant aux menaces sur le sort de l'humanité. Son éventuelle réapparition en public, la première depuis son opération d'une grave hémorragie intestinale, est attendue fin avril, selon son ami et allié le président bolivien Evo Morales.