Le directeur général de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), Jacques Diouf, a appelé à la création et la mise en application de normes internationales pour réguler les marchés des biocarburants, dans une tribune publiée mardi sur le site internet du Financial Times. M. Diouf demande à l'Union européenne et aux Etats-Unis d'abaisser les barrières commerciales sur l'importation d'éthanol, le Brésil et les Etats-Unis contrôlant environ 70% du marché mondial. Il réclame également l'instauration de normes environnementales pour les carburants alternatifs et l'accès aux microcrédits pour les agriculteurs des pays en développement afin qu'ils puissent développer leur production de biocarburants. "Les pays en développement possèdent généralement des écosystèmes et des climats plus favorables à la production d'énergies alternatives que les nations industrialisées. Ils ont aussi plus de terres et de telles mesures leur permettraient donc d'exploiter ces avantages", indique M. Diouf dans le Financial Times, soulignant "l'énorme potentiel des biocarburants dans la réduction de la famine et de la pauvreté". Il faut dire que l'essor des biocarburants agit comme une étincelle sur les cours des céréales déjà prêts à s'enflammer sous l'effet de la demande et de la sécheresse, faisant surgir le spectre d'un monde où pâtes, tortilla et bière seraient devenus des produits de luxe. En Italie, où la "pasta" sous toutes ses formes reste la base de tout repas digne de ce nom, plusieurs médias ont déjà consacré des sujets à la guerre à venir "entre biocarburants et spaghettis", alors que l'industrie alimentaire annonce "une augmentation des prix inévitable". Aux Etats-Unis et en Allemagne, les grandes marques de bière préparent également les consommateurs à une hausse des prix, en raison de la reconversion de milliers d'hectares de culture de blé ou d'orge en maïs, céréale de base de l'ethanol. Au Mexique, la hausse du prix du maïs menace a déjà dopé le prix de la tortilla. Le trimestriel français L'Ecologiste avertit que "si les céréales finissent dans des réservoirs d'essence, il y aura des pénuries alimentaires". La FAO a déjà mis en garde contre les conséquences pour les pays pauvres d'une flambée des prix des produits de base. Elle souligne dans une récente étude sur les biocarburants que des hausses ont déjà affecté les cours du sucre, du maïs, de l'huile de colza, de l'huile de palme et du soja, cultures servant de matière première au secteur. Pour l'heure, la part des biocarburants dans l'évolution des prix reste difficile à mesurer. Le président de l'union industrielle des fabricants italiens de pâte (Unipi) Mario Rummo, invoque "l'arrivée des producteurs de biocarburants, nouveaux clients pour les céréales", mais aussi "une mauvaise récolte et l'augmentation de la demande mondiale" (Chine et Inde notamment) pour expliquer la hausse de 40% du prix du blé dur au cours des dernières semaines. Selon l'Unipi, le prix du blé entre pour moitié dans le coût de production des pâtes. Mais le syndicat agricole Coldiretti assure que le prix du blé dur ne représente que 8% de leur prix de vente et dénonce "des messages d'alarme injustifiés à des fins purement spéculatives". La Coldiretti souligne en outre que l'Italie reste très en retard dans le développement des biocarburants, en deçà du quota de 1% fixé par le gouvernement pour 2007 qui aurait nécessité la mise en culture de 273 000 hectares de colza et de tournesol. En Allemagne en revanche, sur les 12 millions d'hectares de terres cultivables, environ deux millions sont désormais consacrés à des plantes "énergétiques". L'industrie de la bière subit les conséquences de la réduction des surfaces d'orge destiné aux brasseurs, de 5% par an, et le prix de la bière risque de s'inscrire à la hausse, avertissent ces derniers. Le blé est également concerné. La fédération des boulangeries industrielles table sur une hausse du prix du pain d'environ 10% dans les mois à venir. Le phénomène est similaire aux Etats-Unis : "La demande d'éthanol reconvertit les champs", explique Julia Herz, porte-parole de l'Assocation des brasseurs indépendants. Mais l'Institut de la bière, qui représente les grandes marques, relève que la hausse de 3% du prix de la boisson fermentée est surtout due à celle de l'énergie classique, du transport et du verre. Quant à la hausse du maïs, elle s'explique aussi par la sécheresse qui provoque une pénurie de fourrage et conduit les éleveurs à nourrir leur bétail avec cette céréale, souligne l'économiste agricole Tom Jackson du cabinet Global Insight. La consommation américaine d'éthanol est passée de 30 millions de mètres cubes en 2003 à 53 millions en 2006 et la production de maïs est passée dans le même temps de 256 millions à 268 million de mètres cubes, indique l'économiste.