Le stade Enasr de Béchar abrite depuis dimanche dernier, la quatrième édition du Festival national de musique et danse Diwane qui connaît une affluence particulière. Une vingtaine de troupes de différentes régions du pays prendront part à ce rendez-vous qui s'étalera jusqu'au 08 mai prochain. La particularité de cette édition serait la place de choix qui a été concédée à la femme avec une forte participation des troupes féminines comme celles de Nora-Gnaoua de Béchar, Dar El Bahri El Ouasfane de Constantine, Bnet El Maghra de Timimoun ainsi que la diva de ce genre musical et chorégraphique Hasna El Bécharia. La rokeuse du désert a signé son second album " Smaâ Smaâ " déjà enregistré entre Taghit et Paris et dont la sortie a eu lieu le 25 janvier 2010. L'ouverture de cette édition a été marquée par le passage sur scène de la troupe marocaine du mâalem Hamid Kasri, l'un des "grands" de cette musique au Maghreb. Le diwane, cette musique considérée comme une expression commune à tous les peuples de l'Afrique. " Spiritualité, soufisme, sacré, rite, possession, extase, transe. Tagnawite, diwane, gnawa, ousfane. M'louk, koyou, bordj. Mâalem, mkadem, lila, m'bita. Autant de vocables et d'autres encore souvent associés au gnawi " c'est ainsi qu'a été départagé le Gnaoua, un art générique aussi riche qu'authentique. Des standards ont été entonnés en groupe, des incantations étaient lancées, et tous baignaient dans ce quelque chose qui nous " rassemble et qui nous ressemble ". Du guembri au karkabou, les signes identitaires sont là dans un vers populaire ou un geste originel. Le diwane gagne de plus en plus en popularité comme en témoigne le nombre de formations qui se créent chaque année. Le festival a depuis son lancement une seule destination qui est Béchar, une contrée qui est considérée comme la capitale de cette expression musicale et chorégraphique séculaire. Le diwane en Algérie demeure intouchable avec ses 80 abraj (partitions) et n'a pas subi de modifications, contrairement à la musique gnawa au Maroc qui s'est transformée avec l'enrichissement des métissages. Le diwane, un art d'aimer Il faut savoir que le soufisme a eu, tardivement, son corollaire, la musique élaborée, par des confréries du monde oriental et maghrébin, sous une forme que l'on appelle, généralement, diwane. Ces ensembles musicaux par excellence, traditionnels, explosent en ce moment. Au Maroc, en Tunisie, et surtout dans notre Sud, des groupes se forment autour de ce style musical traditionnel qui provoque " l'ivresse " et favorise la communion, l'unification, "l'extinction " du pratiquant en la divinité. Et les confréries, ces institutions particulières au soufisme, utilisent la musique, le chant et la danse comme pratiques religieuses à part entière. C'est une pratique religieuse! C'est ainsi que durant les spectacles de ces formations, l'on évoque soit Dieu, (El Ilah), le prophète Mohamed (QSSL), (Si Rasoul Ellah) et les saints comme Sidi Abdelkader El Djilali, dans une ambiance parfumée de musc et inondée de djaoui, comme pour chasser les démons et les mauvais esprits. Cette évocation est tellement forte, tellement soutenue et répétée, que les artistes sur scène sont en transe comme s'ils étaient en parfaite communion avec les saints qu'ils louent. Le diwane est, en fait, une musique aux origines gnaoua. Gnaoua est ce parfait mélange tout aussi harmonieux que fraternel entre l'Afrique noire et l'Afrique blanche. Citons l'exemple des diwane qui existent, par exemple, à Biskra, cette ville des palmeraies qui a séduit les Etienne Dinet et les Oscar Wilde. Prenons le diwane de Biskra, connu par son " chef d'orchestre", Kamel Zekri, ou encore le Marzoug de Biskra. Le Marzoug, un style musical qui est resté à 100% local puisqu'utilisant les instruments traditionnels, tels, chekwa (cornemuse), karkabou (crotales), tablas. Il s'appelle, ainsi, en référence à l'une de ces nombreuses branches de la grande confrérie de Sidna Bilal. Sidi Bilal, le nom du premier muezzin noir de l'Islam, nommé par le prophète Mohamed (QSSL). Au Maroc, ces populations venues de l'ancien Soudan occidental, avant d'essaimer dans tout le Maghreb, sont désignées sous le terme " gnawa " mais, dans le Sud algérien, ils sont connus sous la dénomination de " abid ", " bousaâdia " ou "Ouled Baba Merzoug ". Et autour du nom de Marzoug, il y a tout une sémantique, puisque à Biskra comme dans d'autres lieux, on dit que l'adoption d'un tel nom était une façon de se placer sous une bonne augure, "Marzoug " signifiant chanceux. D'autres disent qu'il s'agirait plutôt d'un esprit, ainsi dénommé, parce qu'il procure la fortune à ceux qui se mettent sous sa protection.